Contrairement à ce qu'on avait pu craindre suite à différentes actions en justice, "Grâce à Dieu", le film de François Ozon sur la pédophilie dans l’Eglise et le combat de la Parole Libérée, regroupant des victimes du prêtre Bernard Preynat, est bien à l'affiche dans les salles obscures depuis ce mercredi et semble avoir ravi autant le public que les critiques, dont celle de notre rédacteur Michel, qui l'a vu mercredi soir au Comoedia et qui n'hésite pas à utiliser des termes mystiques bien à propos pour qualifier le miracle du dernier Ozon :
D abord il y à les faits, sordides, un prêtre pédophile a abusé de centaines d'enfants durant des années et à été laissé en contact avec des mineurs, enfants de coeur, scouts, alors que sa hiérarchie était au courant.
Enfants terrorisés, parents démunis ou incrédules,le prête charismatique était un prédateur sexuel de la pire espèce. Fait troublant le père Preynat n' à jamais nié ses agissements.
Lorsqu'une ancienne victime, un père de famille de la bourgeoisie Lyonnaise, découvre par hasard que le prête est encore en activité et toujours en contact avec des enfants, des souvenirs douloureux refont surface.
Catholique pratiquant, Il n' hésite pas à écrire au diocèse de Lyon pour dénoncer ce qu' il considère comme un grave danger. La machine judiciaire mettra du temps à démarrer, mais grâce à d' autres anciennes victimes décidées et opiniatres l' association "La parole libérée" est créée et fait enfin entendre sa voix.
Il y à les faits donc, mais il y a maintenant un film formidable, un film d' une intensité rare. En prenant le parti d' être au plus prêt des victimes, François Ozon nous offre un formidable portrait d' hommes adultes blessés à jamais. Des hommes qui ensemble vont se battre pour retrouver une dignité qu' ils pensaient perdue.
Scénario intelligent et jamais manichéen, la construction du film est un modèle du genre.
L' acte d' un homme courageux mais seul va entraîner un enchaînement de témoignages et ainsi produire une force et faire vaciller une institution qui à toujours préféré la justice divine à la justice des hommes.
Scénario modèle donc, dialogues forts, le parti pris du récitant atone est une réussite et Melvin Poupaud lui donne une belle intensité.
Tous les acteurs sont au diapason, "Grâce à Dieu" devient un formidable film choral, les toujours justes Denis Menochet et Éric Caravaca, le talent grandissant de Swann Arlaud et on redécouvre Josiane Balasko, François Marthouret et Bernard Verley.
Le film, qui n'a pas bénéficié du soutien de la région Auvergne Rhône Alpes ( Ozon n'a pas voulu pour tourner le film le plus discrètement possible et ne pas attirer les foudres) est sans doute celui qui met le plus en valeur la cité des Gaules, 40 ans après le Juge et l'assassin de Tavernier, tant Lyon y apparait sous une beauté et une grâce infinie.
Ozon était déjà un cinéaste important, touché par la grâce, avec ce film, il devient un très très grand créateur. Attention chef d' oeuvre....
Et comme on a eu la grande chance de renconter à la fois Ozon et les différents protagonistes du film, on vous en reparle prochainement sans faute..
Bande-annonce du film de François Ozon "Grâce à Dieu" -
A noter, en parallèle de la sortie la parution aux Solitaires intempestifs de la version théâtrale du scénario du film Grâce à Dieu, adapté par François Ozon lui même.
Comme le cinéaste l'explique dans son avant propos, l'écriture théâtrale lui a semblé être la forme idéale pour laisser une trace écrite des paroles libérées qu'il a pu recevoir dans le cadre de la préparation de son film , car elle permet de donner aux parcours des personnages un statut iniversel et représentatif de celui des nombreuses victimes.
Contrairement au cinéma qui joue sur l'émotion directe, l'éciture théâtrale donne une distanciation, et un outil de réflexion plus politique du récit. Une lecture complémentaire à la vision de ce sublime long métrage.