Entretien avec Yann Nicol, Directeur de la Fête du Livre de Bron !
33EME FÊTE DU LIVRE DE BRON 6—10 MARS 2019 HIPPODROME DE PARILLY
À travers une cinquantaine de rencontres, une dizaine d’ateliers, des spectacles, des expositions, une grande librairie, un café littéraire, la Fête du Livre de Bron est devenu en plus de trente éditions, un événement incontournable de la culture rhodanienne, et qui donne la parole aux écrivains quel que soit leur domaine de création.
Cette belle Fête du Livre de Bron, qui ouvre ses portes la semaine prochaine, dès le 6 mars exactement, propose des rendez-vous qui ouvrent la littérature sur de multiples domaines de création.
On a eu la grande chance , la semaine passée , de dialoguer avec Yann Nicol, le directeur artistique de la Fête du Livre de Bron depuis 2014.
Il participe aussi, en tant que modérateur de rencontres littéraires, à des festivals comme "Les Correspondances de Manosque" ou bien encore les "Étonnants voyageurs" dans cette belle cité corsaire de Saint-Malo qu'on connait pas mal à Baz'art,.
Autrement dit, Yann Nicol avait des choses à nous raconter sur la littérature et sur ce grand rendez vous de la littérature locale, et il le fait dès à présent :.
Interview de Yann Nicol, Directeur de la fête du Livre de Bron
crédit photo : "Mathias Ridde, Ville de Bron".
Baz'art : Bonjour Yann, tout d'abord, on aimerait savoir dans quel état d'esprit vous vous trouvez à moins de deux semaines du début de la 33ème édition de votre festival littéraire? Est ce que le stress que tout ne soit pas prêt au jour J l'emporte sur l'excitation que cela commence enfin?
Yann Nicol : Oh, disons que c'est du 50/50..
Il y a évidemment encore énormément de travail à ce jour.. toute l'équipe a bien le nez dans le guidon donc chaque minute de notre temps est précieuse pour que tout soit calé le jour J, mais en même temps c'est vrai qu'on est assez excité à l'idée que tout prenne vie, que les auteurs et le public arrive et prennent enfin possession de l'Hippodrome de Parrily où se déroule l'ensemble de la manifestation.
Baz'art : Quelles sont les grandes lignes de cette nouvelle édition 2019 ?
Yann Nicol : Pour cette nouvelle édition, 33ème du nom, l’équipe de la Fête du Livre de Bron revient à une grande thématique, intitulée La Vie Sauvage.
Cette thématique structure une programmation artistique faisant la part belle à tous les genres littéraires – poésie, roman, théâtre, nouvelles – mais aussi aux sciences humaines, à la bande dessinée, à la littérature jeunesse.
Baz'art : Est ce que tous les ans, vous arrivez à trouver une thématique différente?
Yann Nicol : Non, pas forcément, cela dépend des années en fait.
Lorsqu'on voit que se dégage de la production littéraire un thème en particulier, comme c'était le cas cette année, on choisi une thématique générale, mais on ne s'oblige en rien à le faire .
Baz'art : Et pourquoi cette année cette thématique de la "vie sauvage"?
Yann Nicol : Disons que cette thématique nous a semblé assez vite plutôt évidente, d'abord avec un certain nombre de romans qui interroge la relation entre l'homme et la nature, une interrogation sur la part animale qu'on a tous au fond de nous.
Evidemment, la nature writing sera bien représentée, avec notamment Olvier Gallmeister qui viendra à la journée professionnelle parler de cette tradition anglo saxonne, mais le nature writing à la française existe aussi avec des auteurs comme Catherine Poulain et nous allons bien chercher à le démontrer.
Et cette réflexion se double d'une réflexion profonde sur les enjeux de notre monde contemporain – l'urgence environnementale, la violence sociale, la pauvreté, les migrations), bref autant de thèmes que la littérature et les sciences humaines permettent d'éclairer et de mettre en perspective.
Enfin La Vie Sauvage, c'est aussi la vie vivante, électrique, désobéissante, audacieuse et imaginative, cette part de rêve et de poésie, de subversion et d'invention que les livres continuent de porter envers et contre tout.
Baz'art : Du coup, c'est une vie sauvage dans ses déclinaisons les plus larges, n'est ce pas?
Yann Nicol : Oui tout à fait, quand on choisit un grande thème général, ce qui est intéressant aussi ce sont les différentes déclinaisons qu'elles impliquent, tous ces tiroirs qu'elles nous font ouvrir, ainsi la vie sauvage c'est aussi cette partie d'indicible et d'impulsvilité inhérente à notre vie intime, l'enfance, la mort le désir, que des auteurs comme Olivia de Lamberterie, Pierre Guyotat, Erwan Desplanques invités cette année ont pu développer dans leurs romans.
La vie sauvage, c'est aussi à travers la musique, la pop, je pense notamment au Juke-Box littéraire organisé en compagnie d’Agnès Gayraud et de Charles Berberian, ou encore Camille de Toledo qui s’intéressera à l’avenir de l’Europe via une performance scénique avec la comédienne Maud Gripon.
Baz'art : Quels sont les auteurs phares , les "locomotives " de la programmation de cette 33ème édition?
Yann Nicol : Ah, on est particulièrement fier de notre programmation de cette année : il y a notamment plusieurs lauréats du Prix Goncourt, comme Atiq Rahimi, Jérôme Ferrari et les deux derniers, Eric Vuillard et Nicolas Mathieu.
Nicolas, on l'on sélectionné à l'origine pour le Prix Summer , dès le mois d'aoû, sans même savoir évidemment qu'il allait recevoir le prix Goncourt , on pensait plus qu'on allait essayer de le faire connaitre aux lecteurs, mais du coup, sa venue comme" tête d'affiche" change forcément la donne, mais cela n'est pas pour nous déplaire.
Par ailleurs, pour cette 33ème édition, l’équipe a une nouvelle fois construit un programme exigeant et attractif, avec de très grands noms de la littérature contemporaine – Pierre Guyotat ou Delphine de Vigan –, des critiques littéraires comme Olivia de Lamberterie venue présenter son premier livre, "avec toutes nos sympathies" mais aussi des intellectuels de premier plan (Philippe Descola, Pascal Blanchard...) des artistes de renom, comme Robert Guédigian, Florent Marchet ou Dominique A et des auteurs- illustrateurs pour le jeune public.
Bref, encore une programmation éclectique dont nous sommes très fiers !
Baz'art: Quels sont pour vous les grands objectifs de cette manifestation?
Yann Nicol : Ces objectifs sont multiples, la manifestation existe depuis 1987, avec l'envie dès le départ, de créer une manifestation littéraire de qualité, un lieu de réflexion, d’échanges et de débats, ce n'est pas un salon de dédicaces comme on peut le voir ailleurs et tout au long des éditions on a cherché à prolonger cela.
Notre objectif, c'est aussi de provoquer la rencontre entre les publics et des auteurs déjà reconnus mais aussi la découverte de nouveaux talents ou des auteurs moins médiatisés, proposer une programmation jeune public à part entière ,et également plus largement être un observatoire de la littérature contemporaine.
On a aussi eu envie de prolonger l'expérience du Prix des lecteurs de la Fête du Livre de Bron et de la Métropole, initié l'an dernier, désormais intitulé Prix Summer, qui réunit cette année plus de 40 médiathèques et près de 400 lecteurs.
C'est vraiment une manifestation qui donne la parole aux écrivains et s’adresse à tous les publics, et puis surtout je tiens à le rappeler, l'entrée à la fête du livre et à l'ensemble de ses activités est en accès libre, totalement gratuite et cela, on y tient absolument.
Baz'art: On peut lire sur le site de la manifestation que le festival avait franchi un cap en 2016 à l’occasion de la 30ème édition. Est ce que depuis, ce cap s'est-il maintenu?
Yann Nicol : Ah oui tout à fait : le festival avait franchi un nouveau cap à la 30ème, avec une fréquentation record dépassant les 35 000 festivaliers en 3 jours, ce qui est assez énorme pour une manifestation littéraire de cette envergure et depuis, on a largement réussi à maintenir ce cap.
On voit bien que le marché du livre va assez mal, les derniers chiffres ne sont en effet pas très bons, mais on ne le voit pas du tout à travers ce genre de manifestation qui attire énormément de lecteurs qui profitent de l'occasion pour achèter beaucoup de livres.
Ce qui est formidable on le constate chaque année, c'est à quel point l’événement attire une mixité générationnelle, sociale et culturelle affirmée, une fréquentation exponentielle de l’espace jeunesse, et des retombées économiques de plus en plus conséquentes pour le territoire.
Je continue à penser qu'il y a quelque chose dans la littérature qui n'existe nulle parle ailleurs, et que la littérature peut permettre d'actionner des leviers, quelque soit les mutations à prévoir .
Baz'art : Pour vous, pourquoi est ce important, au gré de toutes les rencontres proposées, de donner la parole à l'écrivain dans notre monde actuel?
Yann Nicol : C'est en effet essentiel pour nous de donner la parole aux écrivains, et de poser par la même cette double question : qu’est-ce qu’une parole d’écrivain ? Et aussi, qu’est-ce que le public vient chercher dans l'écoute de cette parole ?
Dans un monde où le langage et le réel sont brouillés, un peu confisqués par l'omniprésence des discours médiatiques et politiques, l’écrivain propose il me semble, une solide alternative d'une parole où subsistent le sens, la recherche de la justesse et sans doute la volonté de dire le monde en l’interrogeant.
Baz'art : Que souhaitez vous, en mot de la fin, pour cette nouvelle édition, qu'elle continue sur sa lancée des éditions précédentes?
Yann Nicol : Oui tout à fait, chaque année, notre Fête du Livre entend poursuivre son travail d’exploration d’une écriture toujours en mouvement, exigeante, singulière et vivante, dans une volonté d’ouverture auprès d’un large public fidèle, curieux et enthousiaste.
Franchement, il n'y aucune raison que cela ne continue pas cette année, n'est ce pas? ( sourires).