Interview de François Valla, réalisateur de Versus : un teen movie organique et sensuel!!
A noter: sur vos tablettes, le film "Versus" sort en salles le 8 mai 2019 et risque d'envoyer par dessus bord toutes les conventions du cinéma français traditionnel.
Ce premier long métrage de François Valla, réalisateur venu des Beaux Arts et remarqué avec plusieurs courts métrages, est en effet une oeuvre sensorielle et intense assez épatante que Baz'art a particulièrement apprécié et particulièrement envie de soutenir ( et sur lequel nous reviendrons plus longuement avant sa sortie en salles) .
Le film suit Achille, un bel adolescent parisien issu d’une famille aisée, victime d’une agression violente.
Envoyé en vacances en bord de mer pour se reconstruire, il rencontre Brian, un jeune homme en colère. De leur confrontation va jaillir leur vraie nature, de leur lutte va naître un tueur.
Le casting est composé de jeunes acteurs particulièrement talentueux et prometteurs, de Jérémie Duvall, Lola LE Lann, Karidja Touré, Jules Pélissier, Matilda Marty, Benjamin Baffie, Victor Belmondo et Michael Cohen.
Un long métrage organique et sensoriel, teen movie initiatique qui va virer au cinéma de genre dans sa dernière partie...une ambition telle qu'on avait envie de poser plusieurs questions à son mystérieux réalisateur, François Valla :
Interview Baz’art
François Valla, réalisateur de "Versus "
Baz'art : Vos deux précédents courts métrages « Wakefield » et « Beauséjour », ont été remarqués au Festival de Clermont-Ferrand. Est-ce que vous avez conçu "Versus" comme un prolongement évident à ces courts métrages ? Par ailleurs, et je pense que les deux questions sont liées, vous êtes plasticien de formation, et vous avez suivi des études aux Beaux-arts : en quoi cet enseignement a-t-il pu guider votre approche cinématographique ?
François Valla : En effet, vos deux premières questions sont liées, j’ai du mal à ne pas mêler les deux dans mes réponses.
L’art contemporain, tel que je le pratiquais, était le plus souvent à l’inverse du cinéma, une expression non narrative. Il a donc fallu que j’oublie ce que j’avais appris et que je fasse évoluer ma manière de penser pour arriver à faire du cinéma.
Wakefield, mon premier court-métrage, est autant une histoire racontée qu’une réflexion sur « comment raconter une histoire? ».
Ensuite Beauséjour fut clairement une réaction à l’extrême stylisation de Wakefield aussi bien dans sa forme que dans ses conditions de réalisation.
Il s’agissait d’expérimenter l’improvisation en étant le plus libre possible sans équipe et avec un seul comédien amateur – qui était d’ailleurs un ami.
Avec Versus, je tenais à me débarrasser de toute mise à distance. Toutefois le cinéma reste pour moi un rapport entre image sonore et langage.
C’est-à-dire que l’histoire d’Achille et de Brian se construit dans un cadre, celui de la caméra, avec des formes et des couleurs, auxquels s’ajoute le travail du son. On n’est ni au théâtre ni devant un tableau.
Baz'art : Votre film est à cheval sur plusieurs genres, entre le teen-movie plutôt classique et le film de genre, avec des références assumées à un cinéma américain très visuel, entre Tarantino et Carpenter…Est que cet équilibre entre ces deux pôles a été compliqué à mettre en place ?
François Valla : Non, je n’ai rien pensé en ces termes, je ne me suis jamais préoccupé de savoir de quel genre il s’agissait et dans quelle case le film allait s’inscrire.
C’était bien sûr très naïf.
Mais j’aime justement les films hybrides et inclassables. L’équilibre dont vous parlé est donc probablement la chose la plus naturelle qui soit arrivée dans tout le processus de création du film.
Baz'art : La peinture de la jeunesse que vous faites est plus sensorielle et organique que psychologique : est-ce que ce parti pris était assumé dès l’écriture du scénario afin de montrer en premier lieu leur bouillonnement intérieur ?
François Valla : Oui, c’était tout au moins l’ambition de mon projet.
La psychologie est souvent très ennuyeuse dans les films lorsqu’elle est trop explicite.
Notre idée avec mes scénaristes, notamment avec ma petite sœur Sophie Kovess-Brun qui est à l’origine du projet avec moi, était depuis le début, de s’appuyer en priorité sur les corps pour exprimer les sentiments des personnages.
Baz'art : Vous avez tourné une grande partie de votre film à Lège-Cap-Ferret, et vous avez réussi à donner à ce cadre balnéaire a priori bourgeois et calme une ambiance assez anxiogène. ..Qu’est qui a dicté ce choix du décor ?
François Valla : Un concours de circonstance est à la base du choix du Cap Ferret. Au départ l’histoire était écrite pour être tournée en Bretagne dans le Finistère nord. Mais à la suite du report de la date de tournage initiale nous avons dû changer de région.
Nathalie Sportiello qui joue le rôle de Brigitte dans le film m’a parlé de sa maison au Cap Ferret et m’a invité à venir la visiter. Une fois sur place j’ai rapidement trouvé l’endroit parfait pour raconter l’histoire de Versus.
A l’instar de ce qu’Edgar Allan Poe a vu dans la prude bourgeoisie américaine du 19e siècle, le Cap Ferret renferme une noirceur anxiogène sous ses airs proprets et sans histoire. C’est aussi un lieu d’une grande diversité de décors dans un périmètre très rapproché.
De plus, mon directeur de la photographie, Tristan Tortuyaux, a réussi un travail magnifique sur les nuits.
Baz'art : Votre casting est composé de jeunes acteurs issus d’univers différents : Jules Pélissier a été révélé grâce à un télé crochet, Karidja Touré a été dénichée par Céline Sciamma, Victor Belmondo et Benjamin Baffie sont des fils de dé célébrité.
Est-ce que cet assemblage hétéroclite a été facile à assembler et quels ont été les critères qui ont dicté votre choix ?
François Valla : Pour le casting j’ai simplement pris les meilleurs comédien que Léa Coquin, ma directrice de casting, m’a trouvé.
Ensuite nous avons commencé les répétitions et très vite une cohésion s’est créé.
L’intensité du tournage n’a fait que renforcer les amitiés au sein de cette joyeuse petite bande.
Baz'art : La première scène de l’agression, sans doute la plus frontale du film, est filmée de façon très originale…comment avez-vous réfléchi en terme de mise en scène à cette séquence qui pose les bases de votre film ?
François Valla : Au départ, l’idée était de se servir uniquement des images de caméra de surveillance. Mais au montage, le résultat fut peu convaincant, car trop froid.
Walter Mauriot, qui a monté le film, a commencé à intercaler des images filmées avec une caméra classique avec celles des vidéos de surveillance.
L’effet de surgissement du réel ainsi créé permettait d’intensifier la violence ressentie et en effet de poser les bases de l’événement fondateur du film.
Le dispositif de la séquence raconte comment le film va plonger progressivement les personnages vers une animalité de plus en plus radicale.
Baz'art : La musique tient une part importante de votre dispositif cinématographique, accompagnant parfaitement la descente aux enfers de ces jeunes : comment s’est passé le travail avec les compositeurs Benoit Villeneuve et Benjamin Morando ?
François Valla : Le point de départ de la musique était qu’elle devait refléter le monde intérieur des personnages, comme un contre-point aux images.
Au fur et à mesure du travail avec les musiciens le concept s’est assoupli. Mais le point de départ reste important, il donne une direction déterminante pour la suite.
J’ai régulièrement demandé à Benoit De Villeneuve et Benjamin Morando de faire de la musique un prolongement des bruits ambiants afin de souligner l’émotion de telle ou telle scène.
Ils ont ainsi composé une musique très belle, très intense, qui renforce le sens du film.
Baz'art : Est que le financement de ce film a été facile à mettre en place, et si oui, est-ce qu’il a été facilité par la nouvelle vague de réalisateurs français, de Julie Ducournau à Sebastien Marnier, qui propose un cinéma à mi-chemin entre le cinéma d’auteur et le cinéma de genre ?
François Valla : Je ne peux pas vraiment répondre à cette question car le financement de Versus ne correspond pas à ce qui se fait en France.
Nous l’avons fait sans avoir l’aide d’aucun « guichet » classique. Ni le CNC, ni la région, ni aucun diffuseur n’a financé le film.
C’est grâce à une levée de fond privé que le film a été financé, c’est un schéma fréquent dans les pays anglo-saxon, mais très rare ici.
Avec mon associé qui a produit le film, Nicolas Journet, nous avons fait ce pari un peu fou. Sans lui, je ne sais pas si je me serais lancé dans une telle aventure.
Baz'art : Concrètement, avez-vous le sentiment que faire du cinéma de genre est plus facile en France que ces dernières années ?
François Valla : N’ayant pas réalisé de film auparavant, je ne saurai dire s’il est plus facile aujourd’hui de faire du cinéma de genre ou non.
Je pense simplement que les films auxquels vous faites référence dans votre précédente question ont prouvé qu’il y avait bien une place pour le genre en France.
Baz'art : Merci beaucoup François et bonne chance à la sortie en salles de Versus dès le 8 mai prochain
VERSUS /AU CINÉMA LE 8 MAI 2019/France - Drame - 2019 - 80 min