"Le dur désir de durer" par le Théâtre Dromesko
SI vous n’avez jamais vu de spectacle du Théâtre Dromesko (courez-y à la prochaine occasion !), essayez d’imaginer un cabaret sans Monsieur Loyal. Un navire sans capitaine à bord. Un théâtre sans directeur. Devant la succession des tableaux qui composent « Le dur désir de durer » (suite du précédent « Jour du grand jour ») il faut accepter de lâcher le fil narratif, cesser de chercher un sens, une logique et se laisser porter par le maître à bord : la beauté.
Une beauté esthétique et visuelle travaillée par ces orfèvres du costume et du décor, mais aussi, et peut être plus encore, une beauté sonore, où la musique est autant instrumentale que langagière.
Le flot poétique de cette joyeuse équipée nous embarque pour un tumultueux voyage et nous mène à bon port, sans que l’on comprenne vraiment ce qui s’est passé depuis notre entrée sous le chapiteau.
Ils sont une dizaine, personnages anonymes, à traverser la scène avec leur petit bout d’histoire et leur morceau d’image pour composer une fresque épique intemporelle :
La Madone et les poux,
L’Homme au bébé aux abords des Enfers,
Les trois grâces et le violoncelliste,
Les hommes-instruments,
La dame qui mourrait poliment,
Le dernier regard des vieux artistes amants,
La flamenca pendue,
Le torero et son ombre…
Dans cette apparente anarchie, l’équilibre dramatique est ciselé par des caractères marqués d’allure et d’éloquence, par des scènes de groupe à l’énergie euphorisante et la composition visuelle puissante. On aimerait noter chaque phrase du texte de Guillaume Durieux, photographier chacune des scènes collectives. Invitant les spectateurs autour d’un dispositif bi-frontal, les Dromesko jouent autant du plateau traversant que du hors-scène. Les deux grands rideaux qui le délimitent de chaque côté rythment les entrées et sorties, assurent les passages entre chaque tableaux, mais laisse surtout libre cours à imaginer et inventer ce qui se passe derrière.
"Après demain sera hier"
Au fil du spectacle, nous somme tour à tour pris en otage au bord d’une falaise, propulsés à l’arrière-scène d’un spectacle qui nous échappe, ou sur une avenue puis en pleine nature au milieu d’une tempête qui emporte tout sur son passage.
Jouant des codes et des réminiscences du vieux théâtre forain par ses jeux d’illusionniste et ses incrustations musicales, chorégraphiques et … animalières, le Théâtre Dromesko (citant le recueil de Paul Eluard du même nom) nous parle bien de vanité humaine, de cet irrépressible désir de durer et de sa difficulté, dans la vie comme au théâtre. A près de trente années d’existence, la compagnie semble bien avoir relevé le double défi, celui de durer, et de vouloir nous faire rester, encore un peu, avec eux sous le chapiteau.
Vu à la MC2 Grenoble le 12 avril 2019
Création 2017 / Production du Théâtre Dromesko
Textes : Guillaume Durieux
Jeu / danse : Lily, Igor, Guillaume Durieux, Florent Hamon, Olivier Gauducheau, Zina Gonin-Lavina, Revaz Matchabeli, Violeta Todo-Gonzalez, Jeanne vallauri
Interprétation musicale : Revaz Matchabeli (violoncelle), Lily (chant), Igor (accordéon)
Construction décor : Philippe Cottais
Costumes : Cissou Winling
Lumière : Fanny Gonin
Son : Morgan Romagny