Critique cinéma/ L’orphelinat: le touchant ovni cinématographique de Shahrbanoo Sadat
L'Orphelinat était jusqu'à présent, le nom d'un film d'horreur espagnol réalisé par Juan Antonio Bayona qui fait froid dans le dos.
Désormais, c'est aussi celui d'un film afghan à la croisée des genres, et présenté à la dernière Quinzaine des Réalisateurs.
L’intrigue de l'orphelinat, second long métrage de Shahrbanoo Sadat se déroule dans Kaboul, à la fin de la période de l’occupation soviétique.
Elle est fortement inspirée de la vie d’Anwar, un très proche ami de Shahrbanoo Sadat, dont l'histoire avait déjà servi de trame au premier long de la cinéaste Wolf and sheep, chronique montagnarde plus austère et dépouillée.
Si l'on en croit la cinéaste, le témoignage d'Anwar n'a pas fini de nourrir le cinéma de Shahrbanoo Sadat car elle prévoit nin plus ni moins qu'une pentalogie autour d'elle.
Il faut dire que, pour la cinéaste, le parcours de son ami retrace parfaitement, à travers le regard d’un jeune orphelin innocent, l’histoire de l’Afghanistan sur ces 40 dernières années, un pays qu'on connait mal au delà de son conflit armé qui semble interminable.
Son second long métrage est ainsi l'aoccasion de recouvrir l'histoire de l'Afghanistan de la fin de la période soviétique au début de la République islamiste et l'arrivée des talibans.
Qodrat (Qodratollah Qadiri), qui est donc le double inspiré d'Anwar, est un orphelin de 15 ans passionné de cinéma qui revend les billets des séances complètes aux spectateurs qui achètent à prix d'or ces billets.
Hélas, la police va mettre fin à son petit trafic et Qodrat se retrouve enfermé dans un orphelinat avec plusieurs compagnons de galère. Heureusement, le cinéma, là encore, va venir à sa rescousse de jolie manière.
Avec l'orphelinat, sorte d'ovni cinématographique, la cinéaste mélange habilement plusieurs genres: la chronique adolescente, le film politique et la surtout fable bollywoodienne, ce qui donne la vraie couleur et une belle singularité au projet.
Le film a donc l'immense intérêt de nous montrer à quel point en raison d'une relation de proximité entre l’amitié entre l’Afghanistan et l’Inde et comment Bollywood a une influence cinématographique très importante dans cette partie du monde .
A l’époque, les films bollywoodiens, aux scènes d’action spectaculaires, marchent très bien à Kaboul et le spectacle est autant sur l’écran que dans la salle tant les spectateurs les vivent avec intensité, ce qu'on voit dès la première scène du film.
Tourné au Tadjikistan, pour des raisons de sécurité, l'Orphelinat emprunte à la fois aux comédies musicales hollywoodiennes qu'au drame politique.
A cet égard, les séquences de danse et de chant, s'inscrivant tout à fait dans l'esprit du cinéma de Bollywood, entrecoupent joliment la dimension douce amère, voire parfois cruelle, du récit initiatique.
L'approche onirique que la cinéaste insuffle à son récit, notamment sur la fin du film, permet de rendre plus supportable la réalité de la guerre traversée par les afghans depuis de longues années.
Une jolie curiosité, à voir en salles dès la semaine prochaine.
NB : A l’occasion de la sortie du film en salle, mercredi 27 Novembre, pour la première séance du soir, CinemAsian ( voir notre interview avec l'association ici même) et le cinéma Comoedia invitent la réalisatrice afghane Shahrbanoo Sadat pour un échange ouvert à tout le monde.
Toutes les informations sont sur le site du cinéma comoedia
Le film sortira en France le 27 novembre 2019. Distributeur : Rouge Distribution