Mardi conseil spécial confusion des sentiments : Loyauté/ L’épouse d’Amman/La première faute
La thématique des sentiments amoureux en littérature est un sujet périlleux, on peut vite flirter avec le mièvre et le convenu..
Trois récentes publications qui sonde les affres des questionnements sentimentaux et conjugaux évitent largement cet écueil :
1/Loyauté, Letizia Pezzali ( Fayard)
«Petite, je pensais: j’ai perdu mon père, je pourrais au moins essayer de devenir riche, un jour.»
Banquière de 32 ans, Giulia explore les fractures douloureuses de l’amour et se remémore l’histoire d’amour qui l’a liée dix ans plus tôt à un homme marié Michele, de 20 ans son ainé, quand elle était étudiante à Milan.
On a eu envie de mettre ce Loyauté de Letizia Pezzali en haut de notre PAL parce que l'écrivaine est italienne, qu'on aime beaucoup cette littérature et qu'il est question de désir et de pouvoir et on a eu entièrement raison tant le livre est une excellente surprise
Avec Loyauté, publié en Italie en 2018, après un accueil critique élogieux, Letizia Pezzali livre un roman éminemment contemporain et plein d’esprit sur le pouvoir et la nature du désir.
« Certaines choses m’avaient échappées, d’autres m’échappent sans doute aujourd’hui. La vie est un parcours semé de cécités et de révélations tardives au long duquel nous ne remarquerons jamais le ridicule qui nous entoure ».
Une belle analyse de la toujours délicate mécanique des sentiments et une plongée mi cynique mi tendre sur les traces des souvenirs, et des affres de la passion.
2/L’épouse d’Amman; Fadi Zaghmout (L'Asiathèque)
« Les hommes, eux, n’ont d’autre devoir que de se consacrer à leur emploi et de ramener de l’argent à la maison. Demander à leur femme de les aider financièrement ne leur fait plus honte, mais partager avec elle les tâches ménagères reste un déshonneur. On considère comme un bon parti un homme avec un travail et un revenu stable. Par contre pour être « épousable », une femme se doit d’être belle, d’un âge convenable, moralement irréprochable, bonne cuisinière et fée du logis. Et pourvue de surcroit d’un diplôme et d’un travail. Ces exigences rendent les conditions d’une union honorable difficile à remplir. »
Ils sont cinq, quatre jeunes femmes et un jeune homme à prendre la parole. Hayat, Rana, Salma, Leila et Ali sont à l’âge de tous les possibles.
Ils nous racontent leurs attentes, leurs désirs et leurs espoirs dans un pays où justement très peu de choses sont possibles. Une société patriarcale dans laquelle la religion et l’honneur dictent la vie de chacun.
Et pourtant Hayat, Rana, Salma, Leila et Samir vont se parler, s’aimer, se battre et essayer de choisir leurs destins.
Autant de chapitres, autant de témoignages, comme le journal intime, la confession de jeune gens à la force de vie indestructible…ou pas.
Pour bien s'imprégner de l'univers du livre, il faut imaginer, « Friends », « Sexe and the City » et « Les chroniques de San Francisco » à Amann en Jordanie, une théocratie au régime autoritaire.
« L’épouse d’Amann », écrit en 2012, sera un des premiers romans en langue arabe à parler du mouvement LGBT, mais c’est aussi et surtout un formidable témoignage du courage d’une jeunesse qui prend le risque fou de vouloir vivre libre.
« Lorsque j’ai décidé de suivre mon désir, je l’ai fait après m’être réapproprié mon corps. Mon corps est à moi et à moi seule. J’ai décidé de le libérer et d’exercer mes droits en tant que femme, en tant qu’être humain libre qui possède la chose la plus élémentaire du monde : un corps. »
Le regard de Fadi Zaghmout est tendre, son écriture fluide et crue rend ses héros attachants et proche de nous, leur combat, leur courage et leur détermination nous émeuvent.
Un beau roman fort et courageux.
3/La première faute; Madeleine Meteyer ( JC Lattès)
" Elle aimerait qu'une guerre se déclare. Pour qu'ils aient, avec François, un combat, même seulement moral, à mener, de quoi se détourner de la mesquinerie du quotidien »
Valentine rencontre François à la fac. C'est la rencontre improbable entre deux êtres que tout sépare, tant ils sont différents et que la vie, va réunir, mais jusqu'à quand?
"Son âme a faim de tranquillité, elle est lasse de tout. de la dureté de son coeur, de ses intransigeances au sujet de la morale, du divorce, de l'immigration, de ses certitudes et puis aussi, pour faire bonne mesure, de ses doutes qu'elle pense inhérents à sa famille politique"
"La première faute » sonde au scalpel l’évolution d'un couple, quand les deux entités qui le composent n’évoluent pas à la même vitesse, et n'ont pas les mêmes aspirations et façon de voir le monde et en dépit de ce quotidien qui entâche toujours un peu la fougue passionnelle des débuts -
A 27 ans, pour son tout premier roman, Madeleine Métayer parvient à transcender un postulat de départ très éculé, par une belle plume, frontale, tranchante, intime révélant les désillusions des premiers émois sentimentaux .
Loin d'être une banale histoire de couple, La première faute montre comment on peut mettre de coté ces belle sillusions et s'accrocher à ses rêves.
La romancière parvient à colorer sa réflexion d'une approche sociologique et politique très actuelle.
Intelligent et prenant !
" Mais la torpeur se brise à chaque fois qu'elle se rend compte qu'elle est plutôt du genre à ouvrir dix fois la fenêtre sans jamais s'y jeter, par peur de la chute trop longue durant laquelle on regrette forcément "
La première faute par Madeleine Meteyer Éd. JC Lattès, 19,90 €.