Coup de cœur pour "Cœur ouvert" à voir en ce moment au Théâtre de l'Essaïon
N'ayant pu la voir cet été au Théâtre de l'Essaïon Avignon, j'étais enchantée d'apprendre que Cœur ouvert investissait son homologue parisien pendant l'automne...
Nous sommes en 1967 au Cap, Afrique du Sud. Le chirurgien Christiaan Barnard (Bruno Paviot) tourne comme un lion en cage dans son bureau empli de dossiers étalés en tous sens, de journaux où sa fière figure trône en première page. Hier, il était porté en héros pour avoir réussi la première transplantation cardiaque de l'histoire, sur la personne de Louis Washkansky, un homme de 55 ans souffrant de diabète et d'insuffisance cardiaque. Aujourd'hui, il apprend que son patient vient de succomber, seulement 18 jours après l'opération. C'est son monde - pire, sa réputation - qui s'écroule.
Son père, Adam Barnard, pasteur de l'Église réformée hollandaise, débarque alors pour réconforter ce fils qui semble avoir bien peu de considération pour lui. Un dialogue presque philosophique (passionnant) s'en suit entre l'homme de Dieu et l'homme de science, entre le cœur et la raison. Entre deux hommes que tout oppose malgré ce même sang qui leur coule dans les veines.
Le respect de la religion, la valeur du progrès, l'importance de la famille... Il se jetent à la figure toutes leurs pommes de discorde - et elles sont nombreuses -, leurs reproches enfouis liés, pour l'un, à cette enfance marquée par la perte d'un frère, l'éducation trop rigoriste d'un père. Pour l'autre, au désespoir de voir que sa propre chair puisse être capable de défier ainsi son Dieu.
J'ai été subjuguée par les mots échangés entre les deux comédiens, aussi excellents l'un que l'autre. Ils parviennent à se glisser avec un naturel déconcertant dans les souliers d'un père et de son fils, dont les cœurs sont logés aux antipodes l'un de l'autre. Je vous mets au défi de trouver votre camp à l'issue de cet échange mené du tac-au-tac, sans le moindre répit, avec des arguments aussi convaincants d'un côté que de l'autre.
Le texte de Claude Cohen est admirablement écrit et très bien mis en valeur par ce duo de comédiens époustouflant. Pour couronner le tout, la mise en scène d'Yvon Martin concourt à nous faire vivre un moment hors du temps, à des dizaines de milliers de kilomètres de Paris (et d'Avignon !) et à nous transporter dans une époque où de telles opérations n'étaient pas chose commune, où le racisme pouvait envenimer la médecine.
Coup de cœur pour ce Cœur ouvert, à ne manquer sous aucun prétexte à l'Essaïon Paris ! Courrez-y ! Allez voir des pièces en ces temps où les théâtres ont GRAND besoin d'être soutenus.
Coeur ouvert au Théâtre de l'Essaïon, 6 Rue Pierre au Lard, 75004 Paris, du mercredi au samedi à 21h15