Festival Lumière 2021 : HOMMAGE à Bertrand Tavernier : L'horloger de Saint Paul
Pour son premier long métrage, Bertrand Tavernier choisit d’adapter un roman de Georges Simenon, L’Horloger d’Everton. Les thèmes développés dans le livre le touchent : le lien de filiation – qui deviendra un sujet majeur de son cinéma – et l’héroïsme quotidien.
Il bataille pendant des mois avec l’écrivain pour obtenir les droits et sa pugnacité finira par avoir raison des réticences de Simenon. Bertrand Tavernier va par ailleurs chercher deux scénaristes du cinéma français des années 40 à 60, Jean Aurenche et Pierre Bost, qui avaient travaillé aux côtés de Claude Autant-Lara ou René Clément et été cloués au pilori par François Truffaut et la Nouvelle Vague.
Les scénaristes sont enthousiastes à l’idée de travailler avec un jeune réalisateur, c’est le début d’une fructueuse collaboration et d’une longue amitié entre Aurenche et Tavernier (Bost décèdera après Le Juge et l'assassin). Dès son premier film, Bertrand Tavernier se révèle aussi très bien inspiré quant au choix de ses interprètes : Philippe Noiret bien sûr, mais aussi Jean Rochefort et la toute jeune Christine Pascal.
"Je trouve que Lyon est une belle ville, et qu'on ne l'a pas souvent montrée au cinéma". Voilà ce que déclarait Bertrand Tavernier (décédé jeudi 25 mars à l'âge de 79 ans) en 1974, à la sortie de son premier long métrage L'horloger de Saint-Paul. Après Philippe Noiret et Jean Rochefort, Lyon est l'autre vedette du film. Un attachement à sa ville natale qui ne s'est jamais démenti.
Premier long-métrage de Tavernier, L’horloger de Saint-Paul est une adaptation très sobre d’un roman de Simenon,écrite avec les co scénaristes Jean Aurenche et Pierre Bost, à qui l’ont doit Jeux interdits ou encore La traversée de Paris mais un peu placardisés à l'époque du film.
Noiret y incarne majestueusement un artisan centré sur son petit monde, des amis avec qui il mange dès le début du film, et son travail, minutieux, minutieux comme le scénario qui délaisse la partie policière, le meurtre, la traque de son fils, l’enquête et même le jugement pour s’attacher à l’humain. /
/Que ce soit le rapport père-fils ou les relations entre le commissaire et l’horloger, les scénaristes (Tavernier lui-même et deux vieux briscards, Bost et Aurenche, autrefois vilipendés par Truffaut) privilégient les temps morts, souvent autour d’une table, ou en promenade (on mange et on marche beaucoup), pendant lesquels peuvent s’échanger des propos qui frisent l’anecdotique.
, L’Horloger de Saint-Paul est une œuvre très personnelle qui fut l’objet d’un combat acharné : alors qu’on lui propose de doubler son salaire s’il tourne ses intérieurs à Paris, Tavernier refuse et tournera à Lyon, sa ville natale, coûte que coûte. Il fait ainsi de sa ville un des personnages principaux du récit. « Je voulais la décrire d’abord pour son aspect plastique, italien : car on la montre toujours comme une ville sinistre, bourgeoise. Je trouve qu’il y a, à Lyon, un côté italien — un côté ocre, un côté Sienne — qui ne fait pas antiquaire, ou folklorique. Ces cours, ces endroits sont habités par des gens modestes. Ces rues, ces cours, c’est ce que j’aimais. On n’a pas l’impression d’être dans le Marais, avec ses hôtels particuliers et ses poutres apparentes. Le quartier Saint-Paul est un quartier d’artisans. Lyon est aussi une ville qui a un côté sombre, un côté mystérieux, violent, secret. Et le personnage du père me semblait bien appartenir à Lyon. »
Lyon, dont Tavernier va filmer avec gourmandise les rues, les bouchons… en écartant par principe du champ de sa caméra ses lieux les plus connus de tous comme la place Bellecour.
De ce roman de Simenon dont l'intrigue est situé aux USA, Tavernier en fait une adaptation remarquable, et campe son propos, post 68, entre une vague gauchiste, une autre réactionnaire.
La dernière scène entre Noiret et son fils en prison est magistrale. La ville de Lyon n'a probablement jamais mieux été utilisée, Noiret est énorme de justesse et de sensibilité et les autres comédiens ( Rochefort, Jacques Denis) remarquables eux aussi .
Une oeuvre exceptionnelle à redécouvrir pendant ce festival Lumière 2021 !!
L’Horloger de Saint-Paul
France, 1973, 1h45, couleurs (Eastmancolor), format 1.66
Programmé dans le cadre des Invités du festival : Philippe Sarde et de - Hommage à Bertrand Tavernier
dernière séance dimanche 17 octobre 14h30 - UGC Confluence