Week end entre amis : un roman très noir qui sonde la toxicité des rapports amicaux
"Passer trois jours ensemble dans sa maison de campagne, sans enfants, sans programme, comme à l’époque de leur jeunesse, juste traîner, manger à n’importe quelle heure, jouer, discuter, lire, dormir, picoler plus que de raison... Simplement profiter. Le bon vieux temps miraculeusement ressuscité."
Les histoires d'amis qui se réunissent dans une maison de campagne pour se ressasser les souvenirs d'antan et faire le point sur leur amitié, les films (et même les pièces de théâtre) en sont truffés, et souvent, le sujet est abordé avec pas mal de tendresse et de mélancolie, malgré les quelques rancœurs et amertumes qui peuvent jaillir de ci de là des personnages ...
Loin de tout cela dans Week end entre amis, le premier roman de fiction de Nathalie Achard qui nous amène sur des rives bien éoignées de celles des Petits Mouchoirs de Canet ou même du très bon Peter ‘s Friends de Kenneth Branagh.
Il faut dire que l'autrice, qui exerce parallèlement à sa vie de romancière une profession de médiatrice et de formatrice à la non-violence, explore ici la face inversée de son travail et va très loin dans la noirceur, le ressentiment et la toxicité des rapports amicaux.
Considérant sans doute que l'amitié est généralement dans la fiction plutôt épargnée, contrairement aux liens familiaux ou conjugaux des enjeux de pouvoir et d’emprise, Nathalie Achard ose sonder au scalpel les liens d'une amitié de 30 ans entre trois hommes et trois femmes qui éprouvent tous des griefs les uns avec les autres...
Édouard, Marc, Sylvie, Agathe et les autres ont au fond d'eux de bonnes raisons de se détester tout un chacun.
Et alors que le week end prévu de longue date dans la maison d'Édouard pourrait permettre de ressouder les relations distendues, le séjour va virer au cauchemar et aller jusqu'au point de non-retour dans les rancœurs, les trahisons, mensonges et autres désillusions.
On pourrait penser que l'autrice charge un peu la mule dans sa première partie avec certains personnages- surtout les hommes- pas loin de la caricature mais au fur et à mesure que l'engrenage infernal commence à se fermer, on se rend compte que Nathalie Achard vise souvent juste et qu'on peut retrouver pas mal de vécu dans ces relations amicales toxiques.
On ne spoilera pas l'intrigue qui ménage son lot de rebondissements et de fausses pistes- sachez juste qu'il est question de bruits étranges qu'on peut entendre dans une cave (qui est en photo sur la couverture) et d'un mystérieux randonneur trop gentil pour être honnête.
Et surtout, sous le roman noir à la tension constante et bien amenée, se cache une réflexion assez profonde sur les relations qu'on entretient avec autrui et sur ce qu'on est capable ou non de supporter au nom de l’amitié.
Un bon suspens d'une autrice qui a beaucoup travaillé en prison auprès d'hommes condamnés pour violences sexistes et qui réussit largement son premier essai de romancière de polars...
Nathalie Achard était l'invitée du Festival Quais du Polar 2022 le weekend end dernier et on a pu échanger avec l'autrice à cette occasion, on en reparle d'ailleurs rapidement.
THRILLER | Nathalie Achard "Week-end entre amis" - coll. Black Lab- 31 mars 2022