Nous avons vu au Théâtre de l'Essaïon Pitchipoï, une pièce mise en scène par Jacky Katu avec Fabienne Babe, adaptée du livre de Ruth Klüger, Refus de témoigner. Le récit d'une enfant juive de Pologne, au caractère indocile, envoyée avec sa mère au camp d'Auschwitz-Birkenau.

Avant de parler de cette adaptation, je me dois de parler du texte fascinant qu'est Refus de témoigner. À 60 ans, après un accident, Ruth Klüger a décidé de prendre la plume pour parler de son expérience dans un camp de la mort, qu'elle appelait Pitchipoï. Un fait d'autant plus saisissant qu'elle l'a racontée à hauteur d'enfant, sans le recul octroyé par l'âge et l'Histoire, dans un récit qui laisse sans voix, écrit dans une écriture sèche, froide, dénuée d'émotions malgré les circonstances. Ses différends avec sa mère, ses crises de colère, ses caprices, les mots qu'elle emploie sont ceux d'une petite fille qui ne sait pas ce qui lui arrive, que ce qu'elle est en train de vivre est inouï, inédit, et qu'elle en témoignera certainement un jour. Ce récit habitait Jacky Katu, lui-même d'origine juive, depuis des années. Et on ne peut que comprendre pourquoi en l'écoutant. Car il n'a rien à voir avec ce que nous avons pu lire sur la Shoah.
Un micro à la main, la petite fille incarnée par Fabienne Babe, nous raconte l'avant, ces droits qui lui sont, les uns à la suite des autres, supprimés, comme celui d'aller au cinéma voir Blanche-Neige, ce dessin animé de Walt Disney qu'elle verra la peur au ventre d'être repérée. Puis son voyage dans ce train nauséabond, dans lequel il ne reste plus une parcelle de libre, aucun moyen de s'aérer. Son arrivée au camp et l'injonction de sa mère à se déclarer plus âgée qu'elle ne l'est, pour la sauver. Et enfin sa fuite. L'après, à New-York.

Fabienne Babe est étonnante. De son regard fuyant à ses gestes peu assurés, en passant par cette manière de parler tout près du micro comme si elle nous confiait un secret, elle se fond totalement dans les mots et les maux de cette petite fille.

J'ai été transportée par cette prestation et les bribes de ce texte édifiant, beaucoup moins, malheureusement, par la mise en scène, trop décalée à mon sens par rapport au récit. Musiques contemporaines (comme du métal), chorégraphies prêtant à la comédienne des allures de poupées mécaniques disloquées ou de femme aux traits du Cri de Munch, m'ont laissé dans l'incompréhension. Les quelques rares objets présents sur scène ou utilisés par la comédienne étaient porteurs d'une symbolique bien trop obscure pour moi.
Si cette chronique a piqué votre curiosité, que vous avez envie de vous faire votre propre opinion et que vous êtes au festival d'Avignon cet été, rendez-vous au Théâtre de la Porte Saint Michel !
Pitchipoï, au Théâtre de la Porte St Michel, 23 rue Saint Michel, à 11h15