Sélections poches de la semaine: Annie Ernaux, Clark Gable et comédie à l'italienne!!
Du nouveau en livres de poche avec notre sélection de lectures petit format de ce début du mois de juin lue et approuvée par la rédaction !
1. Annie Ernaux ; La femme gelée ( Folio)
/FAIS MOI À MANGER ET TAIS-TOI 🔰//
🔰Je dois vous avouer deux choses : je suis complètement passée à côté du dernier roman d'Annie Ernaux, le jeune homme, scandaleusement court (30 pages) et pour moi à deux années lumières de la puissance de Passion Simple.
🔰Seconde confidence : je n'ai pris aucune note sur La femme gelée tant j'étais dedans. Ce récit de son enfermement dans un rôle de femme mariée puis mère "normale" selon la société vaut pour moi toutes les démonstrations sociologiques sur le sujet.
🔰Annie Ernaux décrit avec une telle précision cet assignement inconscient de la femme à certaines tâches comme si elles étaient innées. Son mari travaille et doit se reposer une fois à la maison, le repas doit être prêt quand il rentre et il est "normal" qu'il fasse du sport ou des sorties.
Elle, qui a connu son père faisant la cuisine et sa mère détestant les tâches ménagères, la voilà assaillie de culpabilité, grapillant comme elle peut le peu de temps libre que sa nouvelle vie de mère lui accorde. Encore un chef d'oeuvre de Madame Ernaux
2.CATERINA BONVICINI Les femmes de ( Folio)
"Alors qu’importe si on me dit que je suis trop vieille pour conduire ma voiture ou faire un tour en bateau, on n’est jamais trop vieux pour sa propre indépendance. C’est elle qui maintient en vie justement, qu’est ce que tu crois. Justement "
Voici un roman dont je ne savais pas grand chose (pour ne pas dire rien) mais que j’ai eu envie de lire juste parce qu’il se passait en Italie.
Toutes les femmes de Vittorio (son ex-femme, sa femme actuelle, ses deux filles, sa soeur, sa mère et son amante) se retrouvent autour de la même table pour le réveillon de Noël et l’attendent. Mais alors que la soirée file, un sms arrive les informant qu’il ne les rejoindra pas ni ce soir ni demain et qu’il a besoin de temps loin d’elles.
Avec cette famille de la bourgeoisie milanaise que Caterina Bonvicini passe à la moulinette, l'écrivaine écrit un roman drôle et diablement intelligent.
. En plus, on ne s’ennuie jamais, l’écrivaine passant d’un point de vue d’une femme à une autre à chaque chapitre. Le passage sur l’appartement à la montagne divisé entre plusieurs femmes et source perpétuel de conflits est particulièrement jouissif !
Le passage sur l’appartement à la montagne divisé entre plusieurs femmes et source perpétuel de conflits est particulièrement jouissif !
Certes, ces femmes nous paraissent agaçantes, étouffantes, castratrices (est ce qu’on peut être castratrice avec une autre femme ou existe-t-il un mot plus juste pour cela ?) et puis assez vite dans le récit, on aperçoit autre chose de plus émouvant, de plus profond quand elles cessent d’organiser leur vie autour de Vittorio.
Cerise sur le gâteau : l'écrivaine garde le meilleur pour la fin avec une dernière partie plus émouvante.
Vittorio y prend la parole et à travers lui, on comprend que c’est toute une société étriquée et piégée dans ses normes et conventions que Caterina Bonvicini dénonce. Un roman intelligent et prenant de bout en bout
3.Vincent Duluc: Carole et clark ( Points)
"Gable avait trente huit ans, Carole trente. Mais quelqu'un avait mal compté un jour, parce qu'elle avait seulement soufflé 29 bougies la dernière fois . De toute façon, elle avait dit qu'elle épouserait Gable avant d'avoir trente ans et ce n'est pas un détail comme la vérité qui allait lui donner tort."
Si Clark Gable reste l'archétype séducteur type d'Hollywood: viril, robuste, rassurant et protecteur comme le Rett Butler qu'il incarnait dans 'Autant en emporte le vent,' on ignorait sa part moins glamour, par exemple qu'il portait un dentier à même pas 40 ans , qu'il était tellement obsédé de la propreté qu'il se lavait 5 fois par jours ou qu'il aimait se fixer les oreilles avec de la pate adhésive.
Cela- entre autres choses - on l'apprend dans le Carole & Clark que Vincent Duluc, qui revient sur la destinée incroyablement romanesque et tragique qui a unit un des couples Clark Gable et Carole Lombard.
Ils se sont aimés, ils se sont mariés, ils ont été heureux, incarnant le couple idéal aux yeux du monde entier, mais la mort prématurée de Carole Lombard en 1942, à 34 ans, dans un accident d’avion, a fait basculer leur histoire dans la tragédie.
Clark Gable ne s'en remettra jamais vraiment, malgré deux marriages qu'il regrettera, se noirera dans l'alcool et ne quittera jamais le ranch qu’ils partageaient dans la vallée de Los Angeles et à sa mort, en 1960, il sera enterré à ses côtés.
Tout ceci, Vincent Duluc, qui évite soigneusement la biographie romancée lisse et convenue, le raconte avec beaucoup d'humour et un sens de ma formule qui tue et un talent évident pour croquer l'anecdote méconnue et souvent percutante et pertinente.
Surtout, malgré les frasques et les paillettes, Vincent Duluc nous montre l'envers du décor, gratte sous le vernis des deux stars américaines et réussit à capter mine de rien leur faille et leurs félures intimes.
Une folle love story, déchirante et passionnante qui resuscite de jolie manière un âge d'or hollywoodien bien révolu!