Blanc : Sylvain Tesson à la recherche de l'immaculé...
« La neige embellit ce qu’elle touche, révèle à l’œil ce qui suffit. Elle tombe sur les villes, les villes sont belles. Elle redessine le réel, rectifie le monde, selon l’expression alchimique. Magique, elle emplit les vides de substance invisible, annule l’imperfection, conserve le saillant. La blancheur pardonne. Elle masque l’inutile, taille à l’essentiel. J’étais parti chercher une dissolution de moi-même, par l’effort, dans des formes abolies. La traversée blanche serait ma définition du voyage absolu, une flottaison dans une idée de paysage. »
En lien avec le très beau livre que Michel Pastoureau a consacré aussi à cette couleur blanche, Sylvain Tesson nous fait la promesse d'un long voyage, rempli d'errance à la recherche du blanc le plus pur.
Il raconte, de sa plume alerte, plusieurs hivers passés dans la blancheur immaculée de la grande poudreuse, un un périple alpin sur plusieurs saisons passés avec son fidele ami Daniel Du LAC.
Chaque année, en février ou mars, les deux amis (bientôt rejoint par un troisième larron) partent pour vingt à trente jours de périple.
Son épopée alpestre devient une ode fougueuse à la nature virginale, aux paysages enneigés et isolés, à la littérature et à la liberté.
Tesson comme à son habitude réussit son coup en beauté, son récit émaillé de rencontres humaines et de réflexions philosophiques et métaphyqiues est un vrai bijou
Dans cet ilot de reflexion qui donne à repenser la place de l'homme malmenée par la civilisation actuelle., chaque phrase, chaque mot chaque réflexion vaut son pesant d'or (blanc?):
“Le Blanc ne constituait pas un milieu naturel, encore moins un paysage, mais une substance. Rapportée au monde abstrait, une substance s’appelle l’universel. Sa traversée s’appelle un rêve”.
"Nous aimions relier des lieux inaccessibles par des endroits infranchissables."
Dans le Blanc tout s’annule - espoirs et regrets. Pourquoi ai-je tant aimé la pureté ?
'Pour moi c’est plus qu’une couleur : une substance, et plus qu’une substance : un état. Comme s’il y avait une blancheur intérieure, composée à la fois d’un oubli de soi et, pour de simples raisons de survie, d’une grande attention au monde, dans une alternance permanente entre l’aguet et le repli intérieur. Cette blancheur spirituelle se double d’un sentiment de dissolution totale du temps et de dilatation de l’espace L’empire du blanc, du vide, de l’altitude. C’est un système, le système blanc. Paul Morand avait intitulé ses réflexions sur le voyage « Rien que la terre », là c’est « rien que le blanc ». Rien d’autre.
Difficile de ne pas savourer la quintessence des écrits de Tesson. et ce besoin d'évasion loin de la modernité ambiante ! Une traversée des Alpes à ski (2018-2021), Blanc, Sylvain Tesson, Gallimard.