Critique - Mata Hari ou la justice des hommes - Théâtre Le Petit Montparnasse (Paris)
Cette pièce n’aurait pu voir le jour sans la jeune metteuse en scène Delphine Piard, qui a déjà adapté Arsène Lupin sur scène (de retour au Lucernaire à partir du 8 novembre prochain). Tout part d’une biographie de Mata Hari dans une librairie lors d’une session de flânerie. Un destin rempli de mystère, de jugement et d’images placardées sur ses actes qui mérite éclaircissement.
En février 1917, Marguaretha Von Zelle alias Mata-Hari est extraite de sa cellule pour être présentée devant le capitaine Bouchardon chargé de l’interroger avant son procès pour intelligence avec l’ennemi.
Même si son sort semble scellé d’avance, son interrogatoire va lui faire revivre 12 années d’une vie hors du commun. Plus d’un siècle plus tard, une autre vérité prend le pas : et si la danseuse n’avait été qu’une autre victime du système patriarcal ?
L’écriture, signée Marc Fayet, de ce moment grave, l’instant de dernier recours se révèle extrêmement moderne, en prenant appui sur nos modes de pensées actuelles, les connaissances et le recul historique que nous avons pour analyser et non pas juger la vie de cette femme libre hors des conventions.
Le couperet de la justice qui tombe sur Mata Hari n’est que le reflet d’une justice patriarcale, faite par les hommes et pour les hommes (d’autant plus au sein d’une cour martiale). On le voit autant dans la narration que la construction scénique.
La scène se divise en trois : côté jardin, le bureau austère du militaire ; côté cour, un espace libre, celui des souvenirs dans lequel surgiront table et chaises de bistrot, un orgue de barbarie…
Au centre, la cellule aux airs de gigantesque cage à oiseau qui se change en un coup d’œil en salle de spectacle.
Et l’intrigue en ressort sublimée par un esthétisme fin et pensé au service de cette histoire.
On pense notamment à la scène d’ouverture magnifique : trois bandes de soies jaunes descendent des pendrillons. Derrière l’une d’elles, on devine un corps se mouvant sous les projecteurs écarlates.
On pourrait craindre de se perdre une pièce basée sur des aller-retours entre confrontation dans le bureau et flash-backs et pourtant… il en ressort de l’écriture comme de l’enchaînement des costumes et des décors, une fluidité ultra rythmée.
Une fluidité qui n’est possible uniquement grâce au travail remarquable des quatre comédien.ne.s. Bruno Paviot et Maud Le Guénédal, sont incroyables en interprétant les multiples protagonistes.
Mais il faut surtout s’arrêter sur Ariane Mourier qui nous emporte avec sa Mata Hari pleine de grâce et force.
Elle creuse dans les entrailles de son personnage pour en faire ressortir une sublime vulnérabilité
.Crédits photo : Fabienne Rappeneau
Mata Hari ou la justice des hommes
Texte : Marc Fayet / Mise en scène : Delphine Piard
Théâtre du Petit Montparnasse, Paris