"Père éperdu", de Daniel Gustafsson; père paumé à la reconquête de son fils..
Le premier roman du Suédois Daniel Gustafsson, « Père éperdu » (Rivages), retrace avec délicatesse et émotion une journée dans la vie d’un homme en proie à la solitude, à la culpabilité et aux souvenirs.
Un de nos derniers coups de coeur lecture du moment
"Il lance un regard à la femme assise par terre à coté du panneau publicitaire, devant la clinique, une très jeune femme. Elle tourne vers lui ses yeux gris, presque transparents, et il reconnait cet éclat blanchâtre, ces pupilles comme des couteaux. Ses joues sont rougies par le froid, elle porte ses mains à sa bouche pour les réchauffer et il constate qu'elles sont rouges, elles aussi. Rouges et crevassées, gonflées, rugueuses, comme les mains d'une vieille paysanne.
Il sent dans sa poche le sac avec les gants, comme un cœur qui bat. Il a deux paires, il pourrait lui en donner une, même si ce sont des gants pour enfants. Cette femme lui est familière, il a déjà dû la voir, peut-être à la sortie du supermarché où il va quelques fois après l'école avec son fils. Il connait ce regard, ce mouvement de tête. Entre elle et lui, il y a une affinité, sinon une relation, autre chose en tout cas qu'un rapport froid et anonyme. "
On ne saura que peu de choses de notre héros déambulant dans les rues de Stockholm à la recherche d'une paire de gants pour son fils.
Une première journée de retrouvailles après une séparation et une procédure de divorce. Une course poursuite contre le temps, le temps d'avant et le temps d'un futur incertain dans les rues glacées de la capitale.
Comment acheter une paire de moufles et les porter à son fils durant sa récréation peut devenir une quête existentiel pour un père en recherche de repère.
Ecriture sèche et rapide pour un exercice de style périlleux. Une journée, douze heures dans la vie d'un père éperdu à la reconquête de son fils, un garçonnet de sept ans, mais aussi et surtout le portrait en creux d'un malaise, celui de la difficulté d'être père lorsque l'on n'a pas hérité de l'assurance que le mâle blanc suédois se doit de posséder.
Flânerie méditative et introspective au tempo parfaitement assuré, Daniel Gustafsson est un écrivain à suivre.