passé

L'année dernière, à la même époque, j'avais déjà au moins vu en salles 4 films (De Rouille et D'os, Sur la route,  Moonrise Kingdom, Cosmopolis) qui étaient en compétition au festival de Cannes de l'année en cours.

Au jour d'aujourd'hui, je n'ai pu voir pour 2013, qu'un seul film de la croisette, et c'est le Passé, le nouveau film d'Asghar Farhadi ...

En même temps, je n'éprouve pas énormément de regrets par rapport à  ce léger retard,  tant ce film  est, à mon sens, largement au dessus des 4 films  cités précédemment. En effet, ce Passé est pour moi un film magnifique, assurément un des meilleurs de cette année 2013 qui me semble être une excellente année cinématographique (ma copine me dit que j'aime tout ou presque en ce moment au ciné, mais ce n'est quand même pas de ma faute s'il n'y a que -presque- que de bons films qui sortent!!).

Il paraitrait d'ailleurs, selon des sources bien informées ( qu'un des membres du jury, Daniel Auteuil pour ne pas le citer, a pris soin de vigoureusement démentir ) que le président du Jury du Festival de cannes, Monsieur Spielberg en personne, souhaitait donner sa Palme à ce Passé, et qu'il a été obligé de capituler, car, une fronde, favorable à la Vie d'Adèle, et mené semble t-il par le cinéaste roumain Christian Mingui, a fait rendre les armes au réalisateur d'ET ( mais merde, mais c'était qui the boss quand même?:o)

Je n'ai pas évidemment encore vu La Vie D'adèle, mais je ne sais si je l'aimerais autant que ce Passé, qui, effectivement, a tout au départ pour me plaire: contrairement à  Madimado, qui n'est pas férue de drame familiaux où on se jette des horreurs et des secrets inavoués à la figure, je suis très client de ce genre de thème, donc je partais avec un vrai a priori positif.

En même temps, j'en ai tellement vu, de ces drames familiaux que j'attends du haut de gamme dans ce genre là, ce qui incontestablement le cas avec le premier film français du réalisateur iranien Asghar Farhadi, qui m'avait déjà, comme beaucoup d'autres, totalement cueilli ,  avec son précédent film La Séparation, alors même que j'allais le voir avec en tête quelques  sérieuses réticences (film iranien donc forcément austère et froid et parlant de sujets qui me touche peu).

Pour ce passé en question, j'y allais au contraire avec énormément d'attentes et d'espoir (je l'avais d'ailleurs inclus dans ma liste des 10 films les plus attendus de 2013) ,peut être  d’ailleurs de trop grand espoirs, comme c'est toujours le risque, et je dois même vous avouer que  le début du film m'a fait a été la douche froide, mais pour des raisons extérieures au film.

En effet,  si vous voulez tout savoir de ma vie, sachez qu'au tout début de la projection ( enfin dès les bandes annonces, mais vu ce que c'était- des conneries de films de films d'explosion avec Brad Pitt) c'était moins génant), m'est apparu un gros problème oculaire ( comme cela m'arrive parfois, la sorte de migraine ophtalmique qui te lance des éclairs noirs et qui heureusement se résorbe au bout d'un moment, mais avec une migraine carabinée par la suite), et qu'ajouté à cela,j'ai fait l'erreur, avec ma copine, de le voir en version sous titrée pour les malentendants, où chaque bruit de toux et de porte qui claque est notifiée, et où les phrases écrites apparaissent trois minutes avant qu’elles ne soient prononcées.

Bref, ce n'était pas forcément les conditions optimum pour se mettre dans le bain de ce film forcément un peu exigeant, et d'ailleurs, la première demi heure m'a semblé un tantinet un peu lente à se mettre en place, mais, à la fin du film j'avais complètement oublié cela tant cette présentation est essentielle pour qu'ensuite le mécanisme du scénario puisse prendre totalement sens.

Car, dans ce passé, et peut être encore plus que dans la séparation, Farhadi nous montre à quel point il est un orfèvre & un virtuose de l'écriture (et quel bonheur d'avoir à faire à un scénario original si riche à l'heure où les adaptations en tous genres prolifèrent)  qui ne laisse absolument rien au hasard dans sa mécanique scénaristique, et, où tout, du décor à la photographie, est à la fois magnifiée et au service de l'essentiel : l'intrigue et les personnages.

Asghar Farhadi  semble se délecter d'entrainer, comme nul autre pareil, le spectateur dans des  histoires bien plus complexes qu'elles ne paraissent l'être en premier abord. Plus que tout autre metteur en scène, le cinéaste iranien use de sa capacité de distiller au compte-gouttes les rebondissements d'une histoire qui pourrait sembler, à première vue du moins, pas follement originale (une famille recomposée, une fille ado qui le supporte mal, un ex qui est toujours présent....).

 

 Et si, ce qui pourrait n'être qu'une simple chronique familiale, dure autant de temps (2 h 20 qu'on ne voit pas du tout passer), c'est bien que le film est justement bien plus qu'une simple chronique familiale, et qu'au fil de ce récit, on est transporté d'un rebondissement à un autre, comme dans les meilleurs thrillers, sans que jamais, ce qui est rare pour un thriller, les personnages ne soient mis de coté.

Et d'ailleurs, ces derniers, qu'ils soient secondaires ou principaux évoluent au fil des séquences, et du coup l'image du spectateur évolue avec eux : tel personnage, peu sympathique au départ, arrive à gagner en émotion, alors qu'un autre, parfaitement estimable, ne semble, finalement, au détour d'une scène, plus l'être tant que cela. Rien n'est noir ni blanc, comme dans la vie évidemment, et comme dans les meilleurs films sur la condition humaine.

Et le film devient rapidement une succession de scènes poignantes ou douloureuse, dans lesquelles la sincérité des sentiments et n'explosent que très rarement sous les non-dits, mais quand ils le font, c'est par le biais de scènes magnifiques (comme celle dans le Métro).

Le film s'intitule le passé, car en fait, il nous apprend qu'il est très difficile, voire impossible de s'extirper de son passé, qui nous rattrape toujours forcément. Et nous dit aussi à quel point il est impossible de se  projeter dans le futur lorsque les nœuds du passé n'ont pas été suffisamment dénoués.  Les actes du passé ne s'en vont pas ainsi : il faut gratter longuement sous la surface pour tenter de parvenir au pardon libérateur, et à la recherche de la vérité, si tant est qu'elle existe.

D'ailleurs, sur cette question de la vérité, et c'est en cela que le  film est très riche également par les autres questions périphériques qu'il soulève, on voit bien que chacun est à la poursuite de sa vérité, mais que finalement, personne ne possède vraiment LA vérité, mais seulement une petite parcelle de cette vérité.

Et finalement, personne ne connaitra jamais la Vérité telle qu'on aimerait la trouver, et surtout pas le spectateur qui devra se contenter d'une fin ouverte, certes, mais pas une fin ouverte frustrante comme on en voit souvent dans le cinéma, mais une fin aux mille possible, avec notamment un dernier plan, comme dans la Séparation d'ailleurs, éblouissant par ce qu'il dit et aussi ne dit pas (grosse discussion avec ma mère et ma compagne sur ce qu'il faut comprendre de la fin- les jeux sont ouverts, et vous pouvez m'écrire en privé si vous voulez connaitre la mienne :o)) !


Ce qui est en fait certain, c'est que Le passé est un film splendide parce qu'il n'assène pas de réponses péremptoires et définitives, et ne s'abandonne jamais à porter le moindre jugement moral sur ses personnages, se contentant de les regarder s'empêtrer dans leurs contradictions et leurs faiblesses, humaines, tellement et terriblement humaines.  Et le spectateur  est lui même actif, est amené à réfléchir, à enquêter lui même sur ces secrets inavoués entre ces personnages.

Mais le film ne serait pas aussi beau sans l'immense talent d'Asghar Farhadi à diriger ses acteurs, et notamment ses jeunes acteurs, les enfants étant 300 fois plus convaincants que les enfants de cinéma qu'on voit habituellement (d'ailleurs je reviendrais prochainement plus longuement sur les enfants au cinéma dans un billet à venir).

Concernant le triangle d'acteurs principaux, si Tahar Rahim semble un peu limité dans un rôle qu'il aurait pu étoffer s'il l'avait emmené un peu ailleurs, loin de ses prestations habituelles (le type taiseux et renfrogné qu’il maitrise mais qui ne suffit pas ici), Ali Mostefa, déjà éblouissant dans Une Séparation, est ici incroyable de douceur (son phrasé en français hésitant y est certainement pour beaucoup), d'intelligence et d'arrogance mine de rien.

Mais la plus grande performance est incontestablement à mettre au crédit de Bérénice Bejo qui fait taire tous les doutes qu'on pouvait avoir sur son talent d'actrice ( même dans The artist, en ce qui me concerne) et qui est ici frémissante et toujours parfaitement juste, et son prix d'interprétation (même si je n'ai pas vu les prestations des autres d'actrices concurrentes et notamment celles de la Vie d'Adèle) me semble être parfaitement mérité.

 Bref,  et j'aurais encore mille choses à raconter sur ce film, mais je m'arrêterais là ;en insistant juste sur le fait que Le Passé est à ne rater sous aucun prétexte si on aime, comme moi, le cinéma fort, prenant et intelligent.