Quel prodige, ce François de Brauer !
Vous avez envie de rire, mais rire, vraiment ? Faites comme nous, écoutez les gens autour de vous et allez voir l'excellent François de Brauer dans son seul-en-scène La loi des prodiges qu'il a écrit, mis en scène et qu'il interprète en ce moment. Après avoir présenté sa folle galerie de personnages au public du Théâtre de la Tempête, le Prodige et sa Cour investissent le Théâtre du Petit Saint-Martin. Et mon Dieu, ce que c'est drôle.
La pièce s'ouvre sur une simulation d'accouchement. La future maman vit cette épreuve seule, sans son mari, un scénariste en galère qui trouvait plus important d'être à un rendez-vous avec un producteur plutôt qu'à une rencontre avec son fils. Elle semble plus contrariée par son absence de nicotine que par celle de son époux, et réclame à cor et à cri une cigarette à une infirmière desemparée.
Le tableau de cette drôle de famille en construction commence doucement à se dessiner. Cet accouchement, c'est celui - on le comprendra plus tard -, de la maman du petit Goutard, que l'on suivra de ses débuts sur terre à ses années d'études d'histoire, puis à l'âge adulte, où il entrera en politique en devenant un député ennemi de la Culture, de l'Art et de ses représentants : les artistes. Son ennemi public numéro 1 : le plasticien Régis Duflou, se trouve justement être un ami de son défunt père avec qui il a eu une petite mésaventure, lorsqu'il avait 3 ans...
François de Brauer a un don inouï pour donner chair à ses personnages, tous plus excentriques les uns que les autres. À la mère, nicotine-woman constamment au bord de la crise de nerfs. Au père, un poltron incapable de s'affirmer face à sa femme, qui passe le plus clair de son temps à se lamenter sur ses déboires de scénariste en quête désespérée de succès. À Régis, odieux, prétentieux, convaincu de l'étendue illimitée de son talent. À Goutard lui-même, que l'on voit évoluer tout au long de la pièce, passant de l'ado timide et angoissé à l'idée d'être seul avec une fille, au député brillant d'éloquence et de répartie.
Chaque interprétation est extrêmement nette et les transitions entre les personnages sont brillamment assurées.On sait tout de suite à qui on a affaire lorsqu'il s'apprête à incarner un personnage : dans la façon de se tenir, dans les mimiques, tout est déjà annoncé. C'est fascinant de précision et de justesse.
Mention spéciale pour la danse du circassien qui arrive à jongler avec ses testicules comme s'il s'agissait de balles en caoutchou - car parmi ses nombreux talents, François de Brauer bénéficie aussi de celui de mimer à merveille. Avec celle-ci, vous m'avez achevé, Monsieur de Brauer. Bravo !
La loi des prodiges de François de Brauer, au Théâtre du Petit Saint-Martin, les vendredis / samedis à 21h, les dimanches 18h