« Depuis un moment, Michele et moi rentrions ensemble de l’école. Je parlais de mon père, lui du sien. Nous découvrîmes que certaines anecdotes, une fois adoucies par le temps, pouvaient se révéler amusantes. Par exemple, je lui révélai que papa avait giflé maman parce qu’elle s’était fait faire une permanente par la mère d’Angelina : il soutenait que ses cheveux étaient beaux au naturel et qu’elle n’aurait pas dû les abimer avec ces cochonneries chimiques qui risquaient de la faire devenir chauve.
A son tour, Michele me raconta la fois où son père les avait frappés, lui et Carlo, son frère aîné, pour avoir espionné leur sœur nue dans la salle de bain par le trou de la serrure. »
Nous sommes à Bari au Sud de l’Italie. La vie d’une famille pauvre dans un quartier pauvre. Maria neuf ans, petite fille vive et impulsive observe le monde et sa famille. Son père, un pêcheur qui peine à les faire vivre, une mère qui doit arrondir les angles pour tout, un frère adoré, un autre possédé par le mal. Nous avons beau être au début des années 80, dans cette région des Pouilles on vit comme au début du XXe siècle.
Patriarcat, haines familiales ancestrales, présence pesante de la religion, heureusement Maria peut compter sur la douceur de sa grand-mère et la tendre complicité du gentil Michele, un gros garçon, qui a pourtant la mauvaise idée d’appartenir à la famille la plus détestée de tout le quartier.
La vie dans un quartier pauvre dans une ville portuaire du sud de l’Italie. Une petite fille trop intelligente pour sa triste famille et ses tristes voisins. Tiens ! se dit-on, on dirait que certains écrivains ont très envie de surfer sur le succès de « L’amie prodigieuse » d’Elena Ferrante.
Mais les craintes sont vite oubliées, l’écriture simple et limpide de Rosa Ventrella emporte le lecteur, nous marchons dans les pas de Maria. Le style volontairement classique et très accessible donne un petit côté roman photo du meilleur effet. Nous sommes en Italie au bord de l’Adriatique et alors pour le lecteur conquis, rien n’est plus important que le destin de Maria et Michele.
Une vraie réussite de cet hiver littéraire 2019.
Rosa Ventrella, Une famille comme il faut, Les Escales 320 pages, 21,90€, parution le 10 janvier.