Festival Avignon OFF #Jour3 : "Sang négrier" et "2 euros 20", deux registres très différents !
Troisième jour à Avignon, on continue notre marathon avec deux pièces très différentes...
1/ Sang négrier : Laurent Gaudé sublimé
Lauréat 2018 des P'tits Molières du Meilleur seul en scène, de la meilleure mise en scène pour Khadija El Mahdi et du meilleur comédien pour Bruno Bernardin, Sang négrier redémarre une saison dans le OFF avec plusieurs trains d'avance. Et pour cause...
Sur scène, face à nous, ce qui ressemble à l'épave d'un radeau. Penché sur elle, un homme, seul, vêtu de haillons, le regard de celui qui est encore étonné d'être en vie. Est-il rescapé d'un naufrage, un Robinson Crusoé rendu fou de solitude ? Un pauvre hère, vagabondant sur une plage déserte ?
En écoutant son histoire, nous allons comprendre qu'il revient de loin. Cet homme, incarné dans toute sa chair par Bruno Bernardin, est un ancien commandant d'un navire négrier qui, alors qu'il mouillait à Saint-Malo, a vu son équipage d'esclaves disparaître. Il nous raconte la chasse à l'homme qui en a suivie, l'aide apportée par une population enragée, prête à tout pour les retrouver, de leur capture, de leur châtiment, de leur condamnation. Sauf que l'un d'eux en réchappa. Un esclave qui, assoiffé de vengeance, jettera sur chaque membre de l'équipage une étrange malédiction, clouant sur leur porte, semaine après semaine, un doigt, accusateur, comme une menace, un avertissement, leur signifiant qu'il ne les laissera jamais en paix, qu'ils ne trouveront le répit qu'à l'heure de leur mort, qu'ils paieront pour les horreurs qu'ils ont commises pour abreuver les Européens de sucre, de fruits, de café, de coton.
Des effets de lumières obscures, des musiques où résonnent furieusement tambours, puis notes de jazz, suffisent à nous plonger dans l'ambiance, à nous faire pénétrer l'âme de l'ancien commandant.
J'ai été absolument bluffée par la prestation de Bruno Bernardin, totalement gagné par la honte, puis la peur, la folie, et enfin, la résignation. Le texte de Laurent Gaudé (un de mes auteurs favoris) est brillamment rendu, nous fait souvent froid dans le dos, nous prend à parti dans l'écoute de ce récit de l'horreur, de la violence de l'homme sur l'homme, de son comportement insensé.
C'est un grand seul-en-scène que nous offre ici la Compagnie les Apicoles, à ne pas manquer, donc !
2/ 2 euros 20 : un bon divertissement !
Changement de théâtre, changement radical de décor et de registre. Nous revoici au Théâtre Actuel - où nous avions vu la grandiose et bien huilée Machine de Turing - pour assister, cette fois, à une comédie pure et dure. Et pas n'importe laquelle, la nouvelle de Marc Fayet : 2 euros 20.
Comme chaque année, trois couples d'amis (incarnés par Marc Fayet, Lysiane Meis, Gérard Loussine, Marie Piton, Caroline Millard et Michel Lerousseau) se retrouvent pour passer quelques jours de vacances ensemble. L'un d'entre eux, Jérôme (Marc Fayet), qui brille chaque fois par ses blagues, en a concocté une un peu spéciale cette année...
Cette année, jai décidé de faire la blague des pièces disparues ! nous annonce-t-il d'emblée, nous prenant à parti avant l'arrivée de ses amis dans la superbe villa qu'ils ont louée dans le Sud. Tout au long de la pièce, il nous interpellera directement, faisant de nous les témoins de ce petit tour qu'il exulte à jouer et qui va donner une autre tournure à leur séjour. Car comme il l'avait prédit, ces pièces vont être au centre de toutes les conversations, mais contrairement à ce à quoi il s'attendait, notre arroseur va rapidement se retrouver arrosé...