La Cérémonie, le cinéma marxiste et forcément tragique du maitre Chabrol
« Je m’intéresse aux Lelièvre parce qu’ils préfèrent le
paraître à l’être et qu’ils vivent dans une certaine forme
d’harmonie bourgeoise. À ceci près que chacun d’eux
accomplit à un moment donné une action dégueulasse,
et qui plus est, sans s’en apercevoir. Et ça tombe
toujours sur la pauvre bonne incarnée par Sandrine
Bonnaire. La façon dont la mesquinerie se pare de
fausses bonnes manières est assez réjouissante. »
– Claude Chabrol
En 1995, alors que Claude Chabrol semble être en perte totale de vitesse ( malgré un beau l'Enfer l'annnée précédente), il met tout le monde d'accord avec un film qui semble répondre à ses meilleurs films des années 70, Le Boucher, la femme infidèle et que la bête meure .
Adapté avec l'aide de la psychanalyste, pédopsychiatre et essayiste, Caroline Eliacheff, d'un roman de Rutth Randell, La Cérémonie est en effet une oeuvre implacable, sorte de rite d'initiation et d'humiliation sociale qui menera jusquà la mort .
La Cérémonie raconte l’histoire de deux jeunes femmes, Jeanne la postière et Sophie l’employée de maison qui auraient pu ne jamais se rencontrer. C'est aussi la rencontre de deux milieux sociaux antinomiques celles des patrons, la famille Lelièvre, et les employées.
La France d’en haut et celle d’en bas regroupés dans ce qu'on a considéré comme le dernier film Marxiste , un terme qui a amusé un Chabrol qui ne l'a pas vraiment refuté .
Le film donne à voir des personnages féminins déterminés face à la médiocrité d’un monde encore nettement dominé par la gent masculine, comme cette bourgeoisie de province dynamitée par le duo Sandrine Bonnaire/Isabelle Huppert.
Dans ce chef d'œuvre qui aura durablement marqué tous ceux qui l'ont vu à l'époque ou le découvriront maintenant, Chabrol prend un malin plaisir à explorer les non dits des conventions qui s'achevera dans un dénouement forcément tragique et proche d'un cérémonial ritualisé.
« La Cérémonie est un film sur la
lutte des classes, sur l’humiliation,
sur la différence sociale. »
Sandrine Bonnaire
Tout le récit s’articule autour du secret de Sophie , son analphabètisme, ce que le spectateur découvrira avant les protagonistes, donnant à pas mal de séquences une tension incroyable autour de la possible découverte de ce secret honteux.
Sa mise à jour sera le facteur déclenchant du drame final : Jeanne et Sophie exécuteront, sur fond d’opéra de Mozart, toute la famille Lelièvre presque sans y penser.
Les deux justicières atteignent ainsi un pouvoir métaphysique, telles deux anges exterminatrices au féminin. Il semble pour les deux comparses presque indispensable de détruire cette fracture sociale qui s'est imiscée de façon automatique dans la maison bourgeoise des Lelièvre, et qu'importe les moyens pour la détruire.
Grand modèle d'écriture et de mise en scène ( que Chabrol ne parviendra jamais totalement à égaler par la suite), le film est également un énorme plaisir d'interprétation :.. Isabelle Huppert, Sandrine Bonnaire, Jacqueline Bisset, la alors très jeune Virginie Ledoyen et le regretté Jean Pierre Cassel sont formidables et semblent prendre un véritable plaisir à ce vrai jeu de massacre qu'on ne peut que vous conseiller d'aller voir ou revoir.
“Claude Chabrol, suspens au féminin”, coffret de 5 DVD disponible le 2 décembre 2020 sur le site de Carlotta.
Dans ce chef d'œuvre qui aura durablement.marqué tous ceux qui l'ont vu à l'époque ou le découvriront maintenant, Chabrol prend un malin plaisir à explorer les non dits des conventions qui s'achevera dans un dénouement forcément tragique et proche d'un cérémonial ritualisé.. pic.twitter.com/ZFHlQRFCqW
— Baz'art (@blog_bazart) January 4, 2021