Trois excellents polars en poche qui ne sont pas des poissons d'avril!
1/ DÉVORER LES TÉNÈBRES; Richard Lloyd Parry (10/18)
Le Japon était alors le pays paisible et sans histoire où je me reposais entre deux théâtres de guerre. Mais il m' était impossible d' oublier totalement Lucie Blackman et Joji Obara.Le procès se poursuivait doucement, au rythme d' une audience par mois, et, dès que je le pouvais, j' allais moi-même au tribunal du district de Tokyo ou bien j'y envoyais un de mes assistants japonais qui revenait avec des pages remplies de notes aussi détaillées que déconcertantes. Difficile d' expliquer pourquoi cette histoire continuait à m' intéresser, deux ans après qu'il avait commencé, le procès avait perdu pour la presse sa valeur en tant que sujet d' article. Mais quelque part, au plus profond de moi, elle continuait à me démanger, à me picoter et à me tarauder; le moustique continuait à bourdonner à mon oreille."
Lucie Blackman disparaît le premier juillet 2000, elle allait avoir 22 ans et vivait depuis quelques mois à Tokyo. La jeune femme qui travaillait dans un bar à hôtesses connaitra une fin épouvantable. A cette époque Richard Lloyd Parry est correspondant pour un quotidien britannique dans la capitale japonaise. Il va couvrir ce fait divers durant tout le déroulement de l' enquête.
Dans ce pays exotique, si loin de notre culture occidentale, la famille de Lucie se retrouve confrontée à l' inertie de la police et au mépris affiché pour la disparue, une simple entraîneuse de bar.
Plus tard, les parents de la jeune femme seront complètement déconcertés par le déroulement du procès et par la personnalité du meurtrier.
Devorer-les-tenebres-la-verite-sur-Lucie-Blackman-la-disparue-de-Tokyo
Arrivé rapidement au Japon, Tim, le père de Lucie, mediatise les recherches de sa fille, c' est à cette occasion que le journaliste fera la connaissance de toute la famille Blackman.
Cette proximité et cette intimité dans le déroulement des recherches vont finalement obséder Lloyd Parry. Il enquête, Il questionne, Il recoupe les informations et les témoignages durant des années en suivant toutes les étapes du procès accumulant ainsi une somme impressionnante de documents.
" Dévorer les ténèbres, enquête sur la disparue de Tokyo" constitue en effet la synthèse éblouissante de ce travail
.Véritable travail de recherche anthropologique et littéraire, " Dévorer les ténèbres" se dévore comme un page-turner particulièrement addictif.
2/La vie en rose Marin Ledun ( J'ai Lu)
Date de parution 03/03/2021
Nous longeons le lycée technique et le stade de foot où des gamins s’entrainent, nous passons deux lotissements, un camping municipal encore vide et, enfin, l’usine Jouve, puis nous sortons de la ville. J’accélère. Je note au passage que « l’assassin au couteau » ne fait pas dans la distinction de classe. Il bute un « fils de » comme des fils de prolos. Il ne roule pour aucune idéologie discriminante. Je me dis que par les temps qui courent, c’est déjà ça. Il ne tue pas au hasard pour autant. La question est : pourquoi ? »
Après l'excellent " Salut à toi ô mon frère", La tribu Mabille-Pons est de retour, enfin pas tous, les parents sont partis sous les alizés soigner le spleen de Charles recalé pour la troisième fois au concours de notaires.
C’est donc Rose, en congé sabbatique après sa licence de lettres classiques, qui s’occupe comme elle peut du reste de la famille, cinq frères et sœurs un chien et un chat et aussi de Richard son amoureux, accessoirement lieutenant de police au commissariat de Tournon.
Et justement il a fort à faire Richard, car la petite ville ardéchoise est en émoi, un tueur en série surine des lycéens et toutes les victimes ont la particularité de connaitre de très près Camille la benjamine de la fratrie Mabille-Pons. Rose donc très concernée est prête à aider son flic préféré, surtout depuis un test de grossesse positif.
Polar rondement mené au son des Guns N’ Roses, AC/DC ou Alice Cooper, raconté par une punkette, gothique et lettrée.
Polar littéraire donc qui n’hésite pas à citer Ovide, Paul Claudel et Sacher Masoch à égalité avec Harry Crews ou Jim Thompson.
Polar familial aussi car la joyeuse tribu de Rose est un personnage récurent à part entière depuis « Salut à toi au mon frère » le précédent roman d’heureuse mémoire de Marin Ledun.
Au fait, sans trop spoiler le dénouement, une question nous taraude : le romancier aurait-il des comptes à régler avec l’éducation nationale ?
Regarde, Hervé Commère, Pocket
" L'amour, c'est faire la connaissance de quelqu'un qu'on a la curieuse impression de connaître depuis toujours. Personne ne me croira, personne ne m'a jamais crue. Peu importe. Je n'ai besoin d'aucun aval."
Auteur de polar souvent surprenants et bien construits, dont le récent "Sauf" qui avait séduit public et critique, Hervé Commère ne déçoit pas avec sa nouvelle publication " Regarde".
Une nouvelle fois, il nous surprend avec ce qui est en fait plus une histoire d'amour complexe et passionnée qu'un polar classique lambda.
Au départ du récit, une romance incroyable entre Mylène, bourgeoise rangée de 45 ans et Pascal dit Paco, jeune délinquant de 25 ans, et les deux venant de milieux sociaux pourtant totalement différents vont vivre une incroyable histoire d'amour à la Bonnie and clybe avec braquages et risques inconsidérés.
Hélas, un de ces braquages en Espagne va mal tourner et Mylène finira en prison et Pascal, tué dans sa cellule où il a été de son coté incarcéré.
Vingt ans plus tard, rangée des voitures, Mylène aménage dans une roulotte mystérieuse qui semble totalement " habitée" par son ancien amant.... Malgré cette histoire de braquages amenant des rebondissements fréquents, "Regarde" est bien avant tout une belle histoire d'amour jusqu'au boutiste.
Une ode à l'amour auquel l'auteur ne nous avait pas encore habitué et qui se révèle in fine vraiment convaincante.