Lors de notre vibrant et intense entretien en octobre 2021 avec l'idoine Valeria Bruni Tedeschi, on avait évoqué son long métrage Les amandiers sans savoir évidemment qu'il serait Présenté en mai dernier en sélection officielle au Festival de Cannes 2022
Dans ce que beaucoup s’accordent à considérer comme son meilleur film, Valeria Bruni-Tedeschi nous plonge dans ses années de formation au théâtre des Amandiers sous la direction de l'incandescent Patrice Chéreau pendant les années 80.
Valeria Bruni-Tedeschi recrée l’ambiance de l’école d’acteurs du théâtre des Amandiers, créée par Patrice Chéreau et Pierre Romans à Nanterre en 1986, et qu’elle a fréquentée au milieu de toute une génération exceptionnelle de comédiens, de Bruno Todeschini à Marianne Denicourt, en passant par Vincent Peres, Thibault de Montalembert ou Agnès Jaoui.
Après plusieurs longs métrages d'inspiration semi-autobiographique, elle continue de creuser ce sillon : avec un personnage principal, Stella, s’inspirant directement de sa propre expérience, tout en cherchant plus à retranscrire l’esprit du lieu qu’à le documenter précisément.
Seuls Patrice Chéreau (Louis Garrel) et Pierre Romans ( le trop rare au cinéma et formidable acteur de théâtre Micha Lescot) sont par exemple identifiés sous leur propre nom.
Les jeunes comédiens de la troupe, s’ils renvoient parfois ouvertement à des personnalités connues, ne sont eux jamais nommés sous leur véritable identité, et ne cherchent pas à « ressembler » à leurs modèles
Cette liberté avec la réalité permet à la réalisatrice de composer un portrait de groupe mu par une incroyable énergie et un bouillon d'idée et de vie perpétuel.
Les émotions sont exacerbées par ce monde en pleine mutation, dont il faut saisir toutes les promesses. Dans cet élan perpétuel, le jeu théâtral se confond avec la pulsion de vie, et Valeria Bruni-Tedeschi livre dans ce film tout ce qui semble être sa vision du jeu de comédien.
La réalisatrice capte avec beaucoup d'acuité et d'intensité les scènes d’auditions et celles de répétitions, parfois fiévreuses, et toujours habitées, grâce au formidable talent de la troupe de jeunes interprètes dont elle a su s’entourer, de Nadia Tereszkiewicz à Sofiane Bennacer.
On est dans la chronique tendre et parfois drôle, au ton volontairement naturaliste magnifié par une image splendide, dont le grain nous replonge immédiatement dans les années 80.
On est fortement touchés par cette évocation nostalgique de quelque chose qui n’existe plus : le fol espoir des années 80, le laboratoire de recherches des Amandiers, la vitalité créative des premières années d’apprentissage, la fin de l'innocence, et à travers elle, quadra, quinqua que nous sommes à Baz'art, notre propre jeunesse à jamais révolue.
Film vu lors du dernier Festival Première Vague du Comoedia à Lyon