Sélection littérature étrangère- Nos derniers COUP DE CŒUR de 2022 ❤️
1. BOUM, BOUM, BOUM ; Nicolás Giacobone (Sonatine editions)
Ils sont cinq. Cinq individus sur le fil. Juan, l'artiste plasticien exubérant qui rêve de faire carrière aux États- Unis.
Sa femme, Agustina, actrice trans qui cherche la reconnaissance quand ses proches la rejettent ostensiblement. Verónica, qui écrit des séries en sachant qu'elle prostitue son talent. Matthew, dont le couple se délite au fil d'obsessions de plus en plus débridées.
2. Respire de Joyce Carol Oates; Editions Philippe Rey
"Les émotions l’envahissaient, le submergeaient. Les émotions auxquelles il ne pouvait donner de nom n’avaient (d’une certaine façon) pas d’existence. Ou il ne pouvait pas reconnaître leur existence. Michaela riait de ravissement devant cet homme, son corps musclé enrobé, plis de chair à la taille, ventre lourd, mais jambes minces et dures."
Joyce Carol Oates est une auteure très prolixe, qui écrit en plus, quasi à chaque fois, de gros bouquins (est ce justifié à chaque fois ? j’aurais tendance à dire pas sûre, en tous cas pour celui ci ).
Dans mon panthéon personnel, il y aurait pourtant au moins un livre de Joyce Carol Oates et en particulier Un livre de martyrs américains, un livre d’une force incroyable sur l’Amérique pro et anti-avortement.
C’est précisément pour cette raison que j’ai voulu lire Respire, l’histoire de Michaela et Gérard, un couple d’universitaires qui s’installent au Nouveau Mexique. A peine arrivés, Gérard va tomber gravement malade et Respire raconte ses derniers jours, sa mort à travers les yeux de Michaela, terrifiée par la perspective de son veuvage et de sa propre mort.
Je n’ai pas m’empêcher de penser au livre de Joyce Maynard, Un jour tu raconteras cette histoire. Dans ce roman, elle racontait comment son compagnon est tombé malade, comment elle l’a accompagné jusqu’à la mort mais aussi toute leur histoire avant. J’avais trouvé ça bouleversant, beau, puissant.
Respire mélange passé et présent traduisant le sentiment de confusion de Michaela mais ne se resserre qu’autour des derniers jours, de la maladie, de la mort.
Evidemment cette lecture est difficile car elle nous met face à des situations qu’on est tous amenés à vivre un jour et que c'est assez éprouvant de lire cela sur 400 pages mais il n'en demeure pas moins que ce Respire n'est ni plus ni moins qu'un magnifique roman quasi entomologiste sur la douleur, le deuil à venir et le deuil venu, dont il ne faudrait pas passer à coté .
3. La cité des nuages et des oiseaux, Anthony Doerr (Albin Michel)
"Ce que Darren savait ne pas pouvoir leur expliquer, c’est qu’il ne l’aurait jamais lancée, sauf qu’il l’avait déjà fait. Bien avant que la lycéenne de seconde ne le traite de tous les noms, bien avant qu’il ne la sorte de la poche d’angle, ne la soupèse, sa résine fraîche et lisse, bien avant qu’il ne la jette dans l’obscurité peuplée – la bille blanche pendait dans l’air, tournant doucement. Comme la lune elle avait été là toute sa vie. »
Ecrit pendant l’Antiquité par Antoine Diogène pour réconforter sa nièce mourante, La Cité des nuages et des oiseaux est un conte en grec ancien qui a traversé toutes les époques, subissant les ravages du temps et des voyages. Mais chaque fois qu’il a réapparu au fil des siècles, il a sauvé des vies et redonné l’espoir à ceux qui n’en avait plus.
Il raconte l’histoire d’Aethon qui sillonna le monde sous la forme de divers animaux, cherchant aux confins de la Terre, une Cité utopique merveilleuse.
On le retrouve au XVème siècle dans la ville chrétienne de Constantinople attaquée par les Ottomans, dans les mains d’Anna, une jeune fileuse qui le sauve de la destruction.
Il reprend vie en 2020 dans l’Idaho, sous la forme d’une pièce de théâtre traduite par Zeno, un vétéran de la guerre Corée passionné de grec ancien, et jouée par des enfants.
Dernier Grand Prix de littérature américaine, ce roman de 700 pages se distingue par ses qualités littéraires de premier plan.
Une odyssée chorale à travers le temps et le monde, empreinte à la fois de magie ancestrale et de problématiques actuelles et même futuristes.
Anthony Doerr nous conte l'histoire d'un mystérieux manuscrit, intitulé "La cité des nuages et des oiseaux", à travers les âges et les yeux des personnes qui le découvrent.
Un roman mêlant aventure médiévale, inspiration de récit antique, campagne américaine et anxiétés écologique et sociale, bien ancrées dans le présent.
Une belle épopée à la fois historique et aux limites du fantastique.
LA CITÉ DES NUAGES ET DES OISEAUX de Anthony Doerr est paru chez Albin Michel depuis le 14 septembre 2022.
4. L’école de Topeka de Ben Lerner, Edition Christian Bourgois
"Ils sont là pour évaluer mon fils (pas un homme, évidemment, mais un garçon, un éternel garçon, Peter Pan, un homme-enfant, vu que l'Amérique est une adolescence sans fin)."
Particulièrement peu aisé à résumer, ce roman très remarqué lors du dernier festival America de Vincennes et finaliste Pulitzer 2020, raconte l’histoire d’une famille dont Jonathan, le père est psychologue au sein la prestigieuse
Fondation de Topeka au Kansas, Jane, la mère est une écrivaine féministe ayant rencontré le succès grâce à un livre sur le couple et Adam, leur fils, est quant à lui champion de débat et d’éloquence et se rêve poète.
En parallèle et en pointillés de cette histoire, on découvre également le destin de Darren, jeune garçon naïf, dont l’exclusion dont il sera victime engendrera un cycle de violence.
À travers ses trois voix singulières et disonnantes , Ben Lerner dresse un portrait de l’Amérique de la fin des années 1990 avec ses failles et ses dérives dans une dissection au scalpel d’une Amérique à la dérive ...
Ce roman dense, complexe, fouillé, brillant, semble condenser la société américaine et ses maux, ses pouvoirs d'influence, ses errements adolescents à l'éveil de la révolte féminine face aux violences, ses tromperies maritales , ses haines de l'étranger..
.L'Amérique de la fin des années 90 dans une niche intellectuelle pour dire l'Amérique d'aujourd'hui.
Histoire familiale aussi bien que sociale, « L’école de Topeka » avec un petit côté David Lodge 2.0 marque durablement les esprits.