Baz'art  : Des films, des livres...
27 décembre 2023

“Une affaire d’honneur” au cinéma : interview de Vincent Pérez

Le réalisateur et comédien Vincent Perez livre avec “Une affaire d’honneur” en salles ce jour, une épopée captivante qui nous  plonge dans le Paris de la fin du XIXe siècle, où l’honneur se joue à l’épée.  

Nous avons découvert “Une affaire d’honneur” en avant-première,lors de la dernière édition du festival du film de société de Royan Vincent Pérez était accompagné de Karine Silla, son épouse et coscénariste du film, l'occasion d'échanger avec eux sur la genèse de ce film et ses enjeux 

AVP Affaire d'Honneur Fabimage (40)Quel est le point de départ d'une affaire d'honneur? 

Vincent Perez  : J’ai toujours rêvé de faire un film où l’on mettrait au centre le combat, presque de faire un film d’arts martiaux à l’européenne. J’avais fait des recherches il y a longtemps mais à cette époque je n’étais pas encore réalisateur. Et je n’avais pas trouvé la période, comment et quoi raconter. Le temps a passé…

Puis est arrivé le tournage de J’accuse. Jean Dujardin avait un duel dans ce film. Il m’a dit : « Vincent, toi qui a joué dans La Reine Margot, Fanfan la tulipe, Le Bossu… etc.. Tu devrais réaliser un film sur le duel ! »

 Cela a été un vrai déclic pour moi . J’ai trouvé une porte d’entrée qui m’a fait tout de suite livré les clés de cette période : le livre L’art du duel, écrit par Adolphe Tavernier, un escrimeur et écrivain français, fondateur de la revue L’Escrime en 1881.

Cela a été un véritable sésame. Dans ce manuel, il y a tout le protocole pour préparer un duel, l’entraînement physique, le choix du terrain, le combat à l’épée, au fleuret, au sabre, au pistolet…

Avec cette figure mythique du maître d’arme qui était un peu le Marvel de l’époque, le héros admiré par tous, et qui déchaînait l’admiration.

Vous pourriez nous en dire plus sur cette période qui semble assez fascinante ?

Entre 1881 et 1889, il y a eu une véritable rage du duel en France. Un phénomène accentué par la libération de la presse au même moment qui, à partir de 1881, a pu sortir des articles et mener des enquêtes sans passer par la case censure de l’époque.

Des liens étroits se sont noués entre la presse et les salles d’armes qui se situaient souvent dans les rédactions, comme au Petit Journal que l’on voit dans le film.

Avec Karine, ma coscénariste, nous avons commencé à imaginer une histoire autour de ce phénomène.

De nombreux jeunes se battaient à l’époque. Le neveu du maître d’arme, interprété par le jeune Noham Edje, le moins connu des acteurs du casting,  est alors devenu un personnage central du film, le déclencheur de l’histoire.

 Le duel, l'épée, le combat sont des domaines que vous avez pratiqués souvent dans votre carrière…

 J'ai fait plus d'une trentaine de combats, à Avignon avec Chéreau dans « Hamlet”, dans “La reine Margot”, “Fanfan” ou “Le bossu ». J'en ai gardé cette passion pour l'art de l'escrime et du duel, son graphisme, sa  psychologie.

Je voulais qu'il soit la colonne vertébrale de la narration. Avec Karine nous avons écrit chaque combat. Je les ai tous dessinés. Le film d'épée est un genre dont le cinéma français s'est finalement très peu emparé.

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Marie-Rose Astié, jouée par Doria Tillier, a réellement existé. Comment l’avez-vous découverte?

 

Au fil de mes recherches dans les journaux de l’époque. Je découvre ses revendications de femme libre. Sa modernité m’a frappé. Elle écrit dans La Citoyenne, elle chante, elle milite pour le droit de porter des pantalons.

Elle est détestée par les féministes de son temps qui trouvaient qu’elle allait beaucoup trop loin. Elle se bat en duel et crée la première ligue féminine d’escrime!

 

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La gageure de votre film  repose sur les combats qui nous ont semblé  vraiment impressionnants 

Vincent Perez : Nous avons beaucoup travaillé. On a mis en place un protocole de répétition, d’entraînement pour les cascadeurs, les acteurs. Tous les combats étaient écrits dans le scénario. Il fallait que les comédiens se préparent, s’accaparent ces chorégraphies.  Ensuite, il fallait trouver comment filmer ces combats.

Comme je me suis beaucoup intéressé à la danse et que je l’ai beaucoup filmée, cela m’a servi pour retrouver les sensations des combattants d’un duel. Souvent à ma frustration, dans certains de mes précédents films, les duels n’étaient pas au centre du récit.  Là, je voulais vraiment que le spectateur vive le combat de l’intérieur, comme s’il y était. On a des réactions très fortes dans la salle : des gens qui crient, des gens qui réagissent et sont bouleversés, pris par les tripes.

Il y a un côté cathartique. Cela fait presque du bien une fois que le film est terminé, comme s’il incarnait certains de nos combats intérieurs. C’est du cinéma aussi bien divertissant que thérapeutique, qui oui étrangement fait du bien. Après chaque spectateur le vit à sa manière.

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 Le casting est vraiment impeccable. Comment avez-vous choisi vos comédiens ?

Vincent Perez : Pour le maître d’arme, je ne voyais pas d’autre acteur que Roschdy Zem pour incarner un personnage avec un tel charisme, qui porte en lui le poids de son passé, de la guerre, d’avoir vu des morts…

Il fallait qu’on y croie. Et avec Roschdy, on y croit. Dès le tout premier plan du film, tout est déjà raconté dans son regard. Sans même un seul mot, et c’est précieux. Je savais que sans lui, je n’aurais pas forcément un acteur avec tous ces éléments-là.

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Doria, c’est pareil je ne voyais qu’elle. Ce n’était pas forcément évident sur le papier. Elle n’a jamais fait de film d’époque. C’est la première fois qu’on la voit en costume. Mais pour moi, il n’y avait qu’elle.

Quand on écrivait le script avec Karine, on parlait tout le temps et dans l’écriture Doria était déjà là. C’est difficile à expliquer, ce sont des ingrédients, des sensations dans l’écriture qui font que tout à coup cela fait sens. 

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Votre film ne serait il pas avant tout une parabole sur la violence des rapports humains, qui évoluent selon les époques, mais dont les fondements restent finalement les mêmes ?

Vincent Perez. La violence n'est pas à proprement parler au centre du film. C'est plutôt l'organisation de cette violence, son côté très protocolaire, les codes établis des duels, les négociations et procès-verbaux qui les régissaient. À l'époque, si on respectait ces règles, il s'agissait de réparation.

Si on les bafouait, on devenait un assassin. Le destin d'un homme pouvait basculer en quelques secondes… Alors c'est vrai, cela résonne avec ce que l'on connaît aujourd'hui.

De nos jours, qu'est-ce que l'honneur ? Où le place-t-on ? Tout est question de curseur, savoir ce que je veux faire de ma dignité, comment je l'exprime…

Et même la défendre dans un monde de bashing sur certains réseaux sociaux, que je considère comme les égouts de la société. 

Propos extraits de notre rencontre avec la comédienne Doria Tillier le 14 décembre 2023 et du dossier de presse du film 

Merci à Pathé Lyon à Gaumont films.

Crédit : Fabrice SCHIFF : photographe pour Baz'art  

 

Commentaires
T
Intéressante interview (bon, un peu en lien avec la promo du film, bien sur, qui est obligatoirement formidable, "à l'américaine"). <br /> <br /> Quoi qu'il en soit, ça renforce d'aller en salle voir ce film comme mon dernier pour l'année 2023!<br /> <br /> (s) ta d loi du cine, "squatter" chez dasola
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