Rencontre autour du film Une affaire de principe- le réalisateur Antoine Raimbault
Antoine Raimbault a réalisé plusieurs courts-métrages, avant son premier long métrage UNE INTIME CONVICTION, thriller judiciaire autour du procès en appel de Jacques Viguier, avec Marina Foïs et Olivier Gourmet, qui sort en 2019 et rassemble plus de 400 000 spectateurs. Le film est salué par la presse et distribué dans de nombreux pays.
Pour son deuxième long métrage,Antoine Raimbault s'immerge au cœur du Parlement européen dans une enquête nouée de manipulations et d'espionnage.
le réalisateur Antoine Raimbault, accompagné de José Bové et du co-scénariste Marc Syrigas, sont venus nous présenter sur Lyon la semaine passée UNE AFFAIRE DE PRINCIPE - retrouvez notre critique du film ici même.
ENTRETIEN AVEC ANTOINE RAIMBAULT
Quel a été le point de départ de ce film ?
J’avais pour objectif de mettre en exergue le combat de la démocratie et de l’état de droit face à la puissance grandissante des lobbies. J’ai donc fait des investigations. Dans mes recherches, je suis tombé sur l’Affaire Dalli qui confessait tous ces thèmes et qui permettait en plus une plongée au cœur des institutions européennes. En continuant mes recherches j’ai découvert que José Bové s’était investi personnellement auprès de Dalli alors qu’il était un opposant politique, qu’il avait mené une contre enquête qu’il avait tout raconté dans l’un des chapitres de son bouquin.
Par principe, pour le respect de la règle et de la présomption d’innocence, Bové s’est lancé dans une contre-enquête depuis les coulisses du Parlement. Des thèmes qui me travaillent, une intrigue, un environnement, un personnage…. Une plongée dans une institution complexe, qui a ses propres codes qu’il va falloir domestiquer.
Comment avez-vous rencontré José Bové ?
Robert Guédiguian qui est coproducteur du film via AGAT Films le connaissait. Il a fait l’intermédiaire et on a débarqué avec Marc sur le plateau du Larzac pour faire la connaissance de José et de JeanMarc Desfilhes, son assistant parlementaire et compagnon de route sur l’affaire. A côtoyer José qui nous raconte ses 10 années passées au Parlement, je me dis :C'est mieux qu'un film de bureau. C'est un film d'action ! José vient du militantisme.
C'est un activiste, un syndicaliste. Un homme de terrain. Je commence à réfléchir à un récit qui doit secouer, bousculer le cadre à la manière de José, qui a sa façon bien à lui de faire bouger les lignes. La plupart des thrillers politiques s’intéressent aux intrigues de palais et aux figures de pouvoir. C’est précisément l’inverse qui me fait vibrer, l’incarnation du contre-pouvoir. Ici, le contre-pouvoir, ce sont les parlementaires au cœur même de l'institution.
Mais José Bové n’est pas seul dans cette histoire. ..
Tout à fait, ce qui est très important ici c’est le collectif qui s’agrège autour de lui. Les alliances propres au Parlement européen. Les parlementaires de différents bords qui ont apporté leur contribution à l’affaire. Et puis surtout ces figures d’assistants parlementaires, petites mains qui font tourner les rouages de l’institution, apparaissent à mes yeux comme les forces vives de la démocratie.
Comment travaille-t-on une version ‘fictionnelle’ de José Bové ?
Ce n’est évidemment pas un biopic sur Bové. Il est l’un de nos trois protagonistes et on le prend à un endroit bien précis. On est très loin de l’image d’Epinal du José faucheur d’OGM. Ici c’est d’abord un parlementaire, un eurodéputé un peu maverick, un peu dissident. Il ne s’inscrit pas dans une carrière politique au sein d’un parti. Mais en plus, dans cette affaire Dalli, José est comme un poisson hors de l'eau. Il est sur un terrain qui n'est pas du tout le sien.
Car le tabac, lui qui a toujours la pipe au bec, ce n’est pas son sujet ! Ce qui l’intéresse c’est qu’au sommet de l’institution, on respecte la règle de droit. Ce sont sur ces éléments qu’on a construit le personnage. A travers l’incarnation de José, j’ai essayé de filmer l'état de droit, avec cette idée que la démocratie est un sport de combat entre le pouvoir et le contre-pouvoir. Une recherche permanente d'équilibre pour éviter l'abus de pouvoir. L’autre personnage hybride d’une certaine façon entre réel et fiction, c’est celui de Fabrice, l’assistant…
Qui mieux que Bouli Lanners pour incarner notre José Bové de cinéma ?
La rencontre entre les deux était capitale. Ils ont beaucoup de points communs. Bouli a un truc un peu punk qu'a aussi José, mêlé à une grande tendresse. En emmenant Bouli sur le plateau du Larzac, à les voir tous le deux se marrer, j’ai tout de suite su qu’il allait se passer quelque chose. Pour la transformation physique, je crois énormément aux désirs des acteurs. Je ne voulais rien forcer et j’ai laissé le soin à Bouli de trouver son chemin, à tâtons, vers la juste incarnation.
Un mot sur Thomas VDB dans le rôle de Fabrice…
J’avais déjà repéré Thomas dans l’excellent film « Claire Andrieux » réalisé pour Arte par Olivier Jahan. Fabrice est un peu neurasthénique. Il traîne la patte. Mais plus tard, il se réveille et on ne l’arrête plus. Thomas avait exactement cette double énergie, capable d’être à la fois nonchalant et hyper vif. Je trouve son travail remarquable. Vivant, surprenant et hyper précis.
Et dans le rôle de Clémence, Céleste Brunnquell… Céleste me fascine. Au-delà de son intelligence, elle possède une densité que l'on a rarement à 20 ans. Il y a chez elle un étonnant mélange de puissance et de légèreté. Avec pas tant d’expérience que ça, elle a déjà intuitivement assimilé une technique très solide. Son approche du jeu reste instinctive, pas du tout fabriquée. Elle est un peu tout feu tout flamme, et va parfois tellement vite dans le cadre, qu’il faut savoir se mettre au bon endroit pour ne rien rater. Je crois qu’il faut éviter de vouloir trop la canaliser, mais plutôt chercher à la servir et savoir la regarder. A mon humble avis, Céleste est une future grande.