Les hommes les plus grands : un roman argentin passionnant et engagé!
LesS hommes les plus grands Fabian Martinez Siccardi
Manuel Palacios, né au début du siècle dernier, est le fils d'une indienne Teluelche et d'un Espagnol venu travailler dans une estancia en Patagonie. A la mort de son père, il est envoyé dans un séminaire salésien.
Victime de discriminations en tant que métis, pris entre ces deux mondes, il se réfugie dans les études. Remarqué pour ses talents de dessinateur, il accompagne un archéologue sicilien dans un voyage d'étude en Patagonie.
La rencontre des Teluelches dont il est issu par sa mère et la découverte de peintures rupestres représentant un bison unicorne bouleversent le jeune séminariste.
Ordonné prêtre en Italie, il revient en Patagonie pour devenir professeur auprès des siens et surtout préparer son voyage de recherche du bison licorne, cet animal mythique qui devient pour lui la preuve que Dieu a élu le peuple Teluelche.
Autant vous dire qu'une telle théorie devrait faire pas mal de bruit dans le Landerneau des scientifiques et des théologiens européens de l'époque.
Quête mystique et mythologique en Patagonie, voyage initiatique dans la région la plus reculée de l'Argentine.
Récit épique d'un écrivain voyageur, voyageur au bout du bout du monde, mais aussi voyageur dans l'histoire d'un peuple et sa terre.
Inspiré de la vie d'un personnage réel, " Les hommes les plus grands " est le roman passionnant d'un auteur engagé dans la cause autochtone Argentine.
Une belle et formidable lecture roborative.
Extraits :
" Nous chevauchames cinq heures jusqu'aux Colorados, et durant tout ce temps, au rythme des mouvements de bascule de mon bassin sur ma monture, dans un paysage de canyons et de pampa traversé de cours d'eau, j'eus un accès de dévotion similaire à celui qui m'avait ébranlé au cours de la nuit fébrile, atteint de méningite. Mais cette fois, l'objet de ma ferveur n'était plus Dieu. En plus de me fouetter le visage, le vent me soufflait quelque chose d'inintelligible, et je décidai que mon aspiration suprême, ma raison essentielle d'être au monde consisterait à devenir un apôtre, un croisé, un sauveur de la race tehuelche. C'était une conviction si forte, si écrasante, qu'à la fois exalté et effrayé, je compris que dès que le destin m'obligerait à choisir entre mon apostolat religieux et ma mission au sein de la communauté indienne, je trahirais forcément le premier. "
" A la fin d'un galop, il s'arrête à deux pas de moi, recule, avance, hésite puis vient plus près. Il me touche l'épaule de son museau, le bras de sa corne, me flaire. Il fait deux pas en arrière et en avant, hésite encore avant de me flairer. Je sens soudain sa langue sur la nuque. Sa bave me dégouline dans le dos. Il me lèche, nettoie la sueur et le sang. J'éprouve un plaisir étrange, voire inadmissible, et m'y abandonne comme si je me donnais en offrande à un être supérieur : je me redresse, mets mes bras et mes jambes en croix. Il me lèche le dos, le torse, les bras, les jambes, le visage, l'entrejambe. Ses gestes ne sont pas dénués de tendresse mais ils contiennent une nervosité, comme si à tout moment l'amour risquait de dériver en une violente férocité. Malgré mon alanguissement et le plaisir inénarrable, une part de moi reste sur ses gardes. Le bison me lèche comme une jument lècherait son poulain ou une chienne ses chiots. Et si ce n'était pas un mâle ? Les vaches ont bien des cornes, les chèvres aussi. Pourquoi n'ai-je jamais envisagé que le bison puisse être une femelle, ou qu'il ait les deux sexes, même si cela semble extravagant ?
Les hommes les plus grands
Fabián Martínez Siccardi
Traduit de l'ESPAGNOL (ARGENTINE) par ISABELLE GUGNON
Paru chez Liana Levi Litterature le 1er Février 2024