Il faut bien une bonne demi-heure sur les deux heures de spectacle pour s’acclimater à cette pièce qui fait salle comble. On commence par se demander ce que fait la grande Catherine Frot dans cette galère, et puis on atterrit en douceur de 2024 à 1950.

Il faut passer mentalement d’une époque, la nôtre, insupportable à bien des aspects, où l’on a tout de même commencé à déconstruire le patriarcat, dans une autre époque, l’Après-Guerre, dont Michel Fau dans la pièce, incarne un représentant bourgeois des plus archétypaux.

André Roussin et « Au Théâtre ce soir »

Pour voir la pièce, il faut aussi se débarrasser du souvenir envahissant (pour les plus anciens) des soirées télé « Au théâtre ce soir » dont André Roussin, l’auteur mort en 1987, était un habitué dans les années 60-70 et s’acclimater à une interprétation plus contemporaine de Lorsque l’enfant paraît.  Une fois cette manipulation mentale et toute personnelle effectuée, on passe un bon moment à voir évoluer les comédiens, surtout Catherine Frot et Michel Fau, également metteur en scène.

André Roussin, l’un des auteurs de boulevard les plus joués depuis plus de 70 ans, place l’action après la Seconde Guerre mondiale. On est dans la vie rangée d’un sous-secrétaire d’Etat à la famille qui a obtenu la fermeture des maisons closes et l’augmentation des peines sur les délits d’avortement. Cependant, tout bascule quand il apprend le même jour, que sa femme attend un enfant et que son fils a mis enceinte sa secrétaire !

Une secrétaire russe

Cette secrétaire, qu’on ne verra jamais se prénomme Natacha et se trouve être d’origine russe, d’où certaines saillies qui font sourire, adaptées à 2024 : « Ces Russes, dès qu’ils naissent, ils parlent trois langues… ».

De même, plus drolatique, le personnage de bourgeoise caricaturale, Olympe Jacquet-Catherine Frot, qui découvre que sa bonne est elle aussi enceinte, Thérèse (avec des faux airs de la Thérèse de La vie et un long fleuve tranquille et un clin d’œil appuyé) : « Je ne comprends pas, de mon temps il y avait encore des vieilles filles, les bonnes ne tombaient pas enceintes, elles restaient toute leur vie au service de leur patronnes. »

Le test de la lapine

La pièce au moment de l’inscription de l’avortement dans la constitution, nous rappelle qu’on revient de loin. Y compris sur la contraception et les tests de grossesses. On y apprend que l’on pratiquait le test de la lapine pour les femmes afin de savoir où elles étaient enceintes. On injectait de l’urine de la femme supposée enceinte à une lapine qui n’avait pas encore eu de portée, on tuait la lapine pour la disséquer et observer si ses ovaires avaient gonflé. Si oui, la femme était enceinte ! Une autre époque on vous dit !

Eric Séveyrat

La pièce est actuellement en tournée, voir ici :

https://bit.ly/3xdI1iL