La machine à détruire- Comment la finance impacte notre quotidien ?
La finance ? Bah c'est une bulle à part qui ne nous concerne pas et n'a pas d'incidences sur nos vies ! Il y a toujours eu des inégalités sociales, des très riches et des très pauvres, et on y peut rien. Des idées toutes faites et répandues.
En plus de mettre à terre ces idées reçues, la bande dessinée La machine à détruire : Pourquoi il faut en finir avec la finance d'Aline Fares (qui a travaillé longtemps dans une banque après avoir fait des études dans une école de commerce et qui connait bien le sujet) et Jérémy Van Houtte (illustrateur et très engagé dans le milieu associatif) a au moins deux mérites :
- rendre accessible, compréhensible un sujet complexe, réservé aux initiés voir opaque par des textes clairs et des illustrations qui jouent sur l'humour
- de lutter contre ce fatalisme qui nous présente la financiarisation du monde comme quelque chose qui a toujours existé (faux cela est le cas seulement depuis quelques décennies) et dont la seule alternative serait le chaos !
La démonstration d'Aline Fares va crescendo : elle montre d'abord comment les actionnaires qui touchent une partie du profit des banques décident de la stratégie de la banque via le conseil d'administration et le conseil de direction. Est ce normal que le patron d'une banque soit aussi actionnaire et membre du CA ?
"La recette pour faire des profits élevés elle est simple : des revenus au maximum, des coûts au plancher."
Les banques ont donc un intérêt à engendrer le maximum de crédits car les actionnaires se paient sur les intérêts. L'effet pervers c'est que les banques prêtent seulement s'il y a une gestion dite efficace. Et c'est ainsi qu'on se retrouve avec des hôpitaux avec pas assez de lits, pas assez d'infirmières par souci de rentabilité.
Quelques chiffres "choc" :
- 1700 lobbyistes qui défendent les intérêts du secteur financier à Bruxelles
- 95% des volumes d'échange sur les marchés financiers qui ne financent aucune activité productive
- 5 milliards de bénéfices en 6 mois pour ENGIE en 2022 en pleine crise énergétique
- 10 milliards de bénéfices en 6 mois pour Total la même année
- 13 millions de personnes considérées comme en précarité au niveau énergétique
Après avoir expliqué la différence entre les banques commerciales et les banques d'affaire, Aline Fares montre que les investissements dans l'immobilier ont des conséquences directes sur nos vies.
Comment ? Des loyers de plus en plus chers ! A Bruxelles, les loyers ont augmenté de 88% depuis 2000 (beaucoup plus vite que les salaires bien-sûr), la part consacrée aux loyers ne cesse d'augmenter et de plus en plus de personnes sont mal logées ou dans la rue.
Autre domaine touché par la spéculation : aujourd'hui les agriculteurs se retrouvent face à des multinationales :
celles qui achètent des produits agricoles pour les revendre ou les transformer peuvent imposer leur prix.
A ce point du livre et à quelques pages de la fin, j'avoue que j'étais à la fois en colère et découragée (la stratégie de Macron qui a consisté à la fois à confisquer la démocratie à coups de 49.3 et de répressions de plus en plus musclées des manifestations tout en rendant les ultra riches encore plus riches a donc fini par fonctionner !).
Heureusement Aline Farès consacre une partie de La machine à détruire à proposer des solutions très concrètes qui consisteraient si on devait les résumer et les schématiser à détruire une partie du capital.
Cela suppose une volonté politique forte qui se traduirait par tout un ensemble de mesures (et comme vous vous en doutez, les investisseurs, actionnaires et ultra riches feraient tout pour empêcher cela).
Au delà, je m'interroge sur le penchant naturel de l'individu (les familles qui se déchirent lors d'héritage en sont, il me semble, la plus parlante illustration) à vouloir s'enrichir, posséder et consommer (et toujours plus pour ces 3 choses). Est ce dans la nature immuable de l'homme ou est ce que notre rapport à l'argent et à la propriété est culturel et susceptible de changer ?
La machine à détruire, Pourquoi il faut en finir avec la finance, Aline Fares, Jeremy Van Houtte, Le seuil.