L’HISTOIRE DE SOULEYMANE: critique du film
C’est un pur thriller, au fond, que l’histoire sombre, tortueuse, clandestine, de Souleymane.
Toujours en mouvement, ménageant à peine quelques plages de calme pour reprendre son souffle dans la tempête, le film de Boris Lojkine nous embarque dans le sprint final que court le jeune homme contre son destin et laisse le spectateur littéralement le souffle court.
Souleymane pédale comme un dératé dans les rues de Paname, un œil sur la circulation, l’autre sur l’écran de son smartphone ; calcule le temps de la livraison, guette la prochaine commande ; calcule le temps qu’il lui reste avant de sauter dans le bus qui dessert le foyer, s’énerve de la lenteur du resto qui doit fournir un plat à livrer…
Souleymane court après le bus, cavale dans le métro, se précipite dans le RER, se presse dans les couloirs, sur les trottoirs, dans les dortoirs. Souleymane ne connaît ni trêve ni repos – et tout en pédalant, tout en courant, répète mécaniquement, inlassablement, les termes exacts, le déroulé précis d’une histoire
Le réalisateur, déjà formidable metteur en scène de Camille il y a quelques années, révèle l’état d’esclavage moderne dans lequel nos sociétés de consommation occidentales réduisent naturellement les plus faibles.
Il enchevêtre pour cela des séquences à la lisière du documentaire autour d’une trame et d’une mise en scène haletantes et audacieuses.
Puissant mélange de force et de fragilité, Abou Sangare incarne Souleymane avec la même rage et la même abéngation que celui-ci met à avancer. Impossible de ne pas tomber en empathie devant ce jeune homme qui voit quantités d'obstacles se monter contre lui en un laps de temps aussi court.
A noter que l'acteur, venu de Guinée en France pour envoyer de l’argent à sa mère épileptique au pays, est toujours en quête de régularisation au moment de la sortie du film, et qu'il a été débouté trois fois du droit d’asile, ce qui renforce la force et la puissance de ce très grand film .