L'effondrement; Édouard Louis : l'aveu d'une terrible et tragique impuissance.
Une nouvelle fois, Édouard Louis nous plonge dans sa famille et dans son dysfonctionnement affectif et social. L'écrivain apprend, par sa mère, la mort de son frère aîné, un frère qu'il n'a pas vu depuis des années.
Âgé de trente-huit ans, rongé par l'alcool et par le dégoût de vivre, l'homme a été découvert inconscient, à l'agonie, dans son minuscule appartement.
Qu'est ce qui a pu empêcher un adolescent, un jeune homme puis adulte de se réaliser et d'être au monde ?
Pourquoi ses rêves à lui étaient ils toujours trop grands ?
Après son succès littéraire et médiatique qui l'avait éloigné en 2014, Édouard Louis a renoué avec tous les membres de sa famille, sauf avec lui, l'aîné, le raciste, l'homophobe, le demi-frère toxique qui, suite à la publication de " En finir avec Eddy Bellegueule ", voulait en découdre avec son cadet.
Depuis toujours? Édouard Louis s'interroge sur son milieu familial, sur cette France que l'on n'interroge jamais.
Littérature du réel, Bourdieu pour de vrai, Édouard Louis n'en finit jamais de mettre en mot l'injustice, la douleur et la honte que ressentent les hommes et les femmes que l'on a privé de leurs rêves.
" L'effondrement "est un livre coup de poing qui devient l'aveu d'une terrible et tragique impuissance.
L'impuissance physique, sociale et politique d'une France abandonnée.
L'effondrement ; Édouard Louis
Extraits :
" J'ai parfois le sentiment que l'histoire de mon frère est l'histoire d'une Blessure jetée au monde et sans cesse ré-ouverte.
J'ai parfois le sentiment que si ça n'avait pas été l'absence de son père, mon frère aurait trouvé autre chose.
J'ai parfois le sentiment que la vie de mon frère n'a été qu'un instrument au service de sa Blessure, et que la question n'est pas de savoir où elle a commencé, mais pourquoi le monde lui a offert autant d'occasions de la creuser. "
"Voilà ce que c'est la famille : d'abord elle vous chasse et ensuite elle vous reproche de fuir."
" Selon Freud, le deuil se caractérise par une césure avec le monde extérieur : l'individu en deuil, à cause de sa tristesse, n'arrive plus à s'intéresser à la réalité qui l'entoure et à tout ce que cette réalité contient, le travail, l'amitié, les occupations, tandis que la mélancolie correspond, elle, avant tout, à un rejet de soi.
Ce n'est pas seulement ce qui l'entoure que le mélancolique rejette mais lui-même : il se méprise, il trouve son existence vaine, il se déprécie. Je n'ai jamais vu mon frère exprimer le moindre dégoût pour lui-même. Je n'ai jamais vu mon frère douter de sa valeur. Je l'ai toujours vu, au contraire, exprimer du dégoût pour l'extérieur, pour les autres, pour le monde. Si, dans le langage freudien, ce n'était pas sa propre personne qu'il dépréciait, mais la réalité autour de lui, alors mon frère n'était pas mélancolique ; il était en deuil. Mon frère portait le deuil de la vie qu'il était certain qu'il aurait dû vivre, mais que quelque chose, il ne savait pas très bien quoi, le monde, la réalité, une malédiction, lui avait volée. "
L'effondrement Édouard Louis, éditions du Seuil