Craquages : Marion Mezadorian apaise les maux en expulsant les mots – Théâtre du Marais (Paris)
N’y-a-t-il pas meilleur moment que les fêtes de fin d’année pour que le vase déborde ? On ne parle pas ici de fleurs mais bien de ressenti, celui que tu décides de garder au fond de toi, par peur, honte… Oui ce sont ces bonnes réunions de famille où chacun.e se permet telle remarque sur ta vie, au nom d’un lien de sang et d’une soi-disant « maturité » de vie.
Ces scènes, Marion Mezadorian les a vécues, tellement qu’elles sont devenues la source de son nouveau spectacle. Après la naissance de son enfant, une ènième dispute avec ses parents sur la suite et les choix d’éducation. Une dernière goutte vient tout faire éclater. La lavande du sud n’y pourra rien, ça balance ses quatre vérités sans filtre. N’en restons pas qu’au cri du cœur personnel, l’humoriste s’appuie sur une quinzaine de personnages (le double par rapport à son premier seule-en-scène Pépites), inspirés d’observations du quotidien pour ausculter ce débordement intérieur : Chantal qui dit tout haut ce qu’elle a pensé de ses collègues pendant 40 ans, cette femme qui regrette des relations amoureuses où les mecs disent « je veux apprendre à te connaître » mais ils donnent rendez-vous qu’à 22h30 ou encore une autre qui décide de briser l’omerta du cercle familial, celle du tabou de l’inceste qu’elle a subi…
Le craquage est multiple, à la fois calme, crié, ruminé, bafouillé… Le représenter à cette échelle permet à chacune.e de s’identifier et de se demander pourquoi, pourquoi arrive-t-on à craquer ? : « C'est parce qu'on n'a pas osé parler avant. Mais pourquoi est-ce qu'on n'a pas osé par l'avant ? de quoi est-ce qu'on a peur, de ne pas être aimé, d'être le méchant de l'histoire ? » se demande Marion Mezadorian au micro de Mathilde Serell sur France Inter. Derrière, les regrets et l’amertume apparaissent face au temps qui passe. Le raz-le-bol n’est pas seulement un remède pour la santé ou un moyen de se dévêtir de son masque social ; il est aussi un moyen d’appréhender ses émotions et de connaître celles de ses proches. Pour Marion, le volume sonore et le parler avec les mains ont toujours été prégnants autour de la table familiale aux origines arméniennes et italiennes, sauf quand il s’agit de parler du passé. La page tabou du génocide arménien, elle décide de l’ouvrir avec sa grand-mère parce que « craquer finalement c'est juste dire les choses avant qu'il y ait des regrets, avant qu'on oublie l'histoire ».
Avec une grande vitalité, Marion Mezadorian campe 15 personnages chacun.e avec leur empathie et leur grain de folie pour explorer ce qu’est le craquage et la nervosité qui en découle ! Si le silence des non-dits est brisé, les silences de la comédienne sont maîtrisés. L’écriture rusée monte en gamme avec des situations dites « lambdas » qui racontent en réalité l’histoire familiale de l’humoriste. Ce moment dans l’intimité du théâtre du Marais provoque douceur et beaucoup de rires, parfois forts. Mais il est clair : Marion Mezadorian apaise les maux en expulsant les mots !
Crédits photos : Fabienne Rappeneau
Craquage
Écrit et interprété par Marion Mezadorian
Mis en scène par Mikael Chirinian
1h
Du jeudi au samedi à 19h
Studio – Comédie des Champs-Élysées (Paris 8ème)
Du 16 janvier au 29 mars 2025
En tournée dans la France à partir du 7 janvier
Jade SAUVANET