Baz'art  : Des films, des livres...
26 juin 2025

Festival OFF Avignon 2025 : Nos premières recommandations vues et approuvées

Le festival OFF d’Avignon s’ouvre dans plus d’une semaine, on vous donne les premiers spectacles qu’on a vus et approuvés chez Baz‘art. D’autres suivront…

 

J’oublie Tout – La Factory / Chapelle des Antonins

 

 

Les degrés remontent, nous arrivons à Montpellier en quelques secondes avec Julien Gallix qui nous accueille, met à l’aise les spectateur.rices dès l’entrée de la salle. Dans son dos, maillots, sweat-shirt et chemise blanche sont suspendus, comme si chacun représentait une étape de la vie. Oasis en main, le comédien entame sa canette en même temps que le récit de sa courte vie : « Je m’appelle Julien Marie Gallix, j’ai vingt-huit ans, j’existe pas. ».

 

Il n’existe pas, il n’est personne, il compte le nombre de followers sur son compte Instagram. Cela ne suffit pas pour devenir quelqu’un. Il ne sait pas encore quoi faire de sa vie. Celle-ci tourne autour des copains et de sa twingo à tout faire… Jusqu’au jour où celle-ci lui fait découvrir le son d’un rappeur qui monte en 2014, un certain Jul.C’est la révélation ! L’autotune devient symphonie sur scène et le rappeur, un guide. C’est la Vierge Marie qui le dit elle-même : Jul est l’Ovni, Julien devient alors « l’élu ».

 

Mélant récit et fiction, J’oublie tout raconte comment on grandit et on se construit à l’aide de figure mythiques et d’idoles, non pas pour les imiter mais pour trouver sa place grâce à des échos de chansons ou de créations. Pour sa première création, Gallix épate par sa merveilleuse écriture, par sa capacité à casser les codes du théâtre en convoquant du rap, genre peu bienvenu il y a encore peu au sein des murs et Jul, dont le style était lui-même peu bienvenu au début. Rien qu’en 1h10, on s’est senti membre de la team Jul et ça fait un bien fou ! 

 

A 21H50 à la Chapelle des Antonins / La Factory

1H

Relâche les mardis

 

Les Histrioniques – 11• Avignon

 

 

Au commencement, le 1er octobre 2021, la journaliste Cassandre Leray publie une enquête dans Libération concernant les agissements de Michel Didym, metteur en scène et ex-directeur du Théâtre de la Manufacture à Nancy. Suite à l’enquête de la journaliste, elles s’écrivent avec plusieurs personnes du milieu théâtral, qui avait partagé le travail de Leray. A quatre et quelques autres en visio, le groupe décide de lancer sur le Twitter de l’époque, le hashtag #MeTooThéâtreen écrivant chacune un témoignage des violences qu’elles ont subi au cours de leur carrière. Parmi ces derniers, celui de Marie Coquille-Chambel fait l’effet d’une déflagration. Une tribune puis un livre suivront. En 2023, l’idée de prolonger le livre avec un spectacle éclot : « On s'est dit que c'était bien aussi de lutter avec notre art, puisqu'on est toutes créatrices, et donc d'imaginer un spectacle toutes ensemble »

Les Histrioniques constitue un « aboutissement, comme un deuxième acte » pour Louise Brzezowska-Dudek, « une manière de mettre en profit et à disposition un savoir, les connaissances qu’on a ». 

 

Dans le flot de créativité, une évidence apparaît : quoi de tel que de se réapproprier une étiquette toujours usée pour diminuer, soumettre les femmes ? Hystérique, non trop clichée, trop utilisée. Elles seront les Histrioniques, un terme utilisé dans les rapports d'expertise psychiatrique pour désigner les victimes de violences sexuelles, et particulièrement celles qui sont dans le milieu théâtral. Chacune vit de manière isolée sans jamais se croiser ce qu’est la violence silencieuse du milieu : le rapport de domination du professeur sur l’élève, la sexualisation des corps et leur objectivation au nom d’un art qui autoriserait tout, les « monstres sacrés » qui abusent de leur pouvoir pour établir leur emprise sur les « muses »… Une actrice est victime d’agression sexuelle, commise par un metteur en scène, Timothé Petit. 

 

Du recueil de la parole, de l’alerte donnée aux collaborateur.rices jusqu’aux instants de découragements, nous suivons l’affaire attentivement du point de vue du collectif. En face, un grand directeur d’un grand théâtre, conglomérat de plein de directeurs observés et d’expériences vécues par le collectif, active le système de solidarité pour son cher ami metteur en scène certes problématique mais talentueux. L’œuvre dépasse tout et le boys club vit bien. Mais si ces solidarités durent dans l’Histoire, d’autres émergent. Cette fiction vraie en est l’exemple même. Les actrices au plateau et les militantes dans la vie nous racontent la naissance et l’évolution de la militance, celle qui peut créer n’importe quel lien plus fort que ceux du sang. Le fil Messenger s’alimente en direct, les échanges sont au tac au tac, les émoticones de soutien fusent… Elles abordent l’entraide, la sororité dans les désaccords, les doutes individuelles, comment chacune traverse les tumultes et les jubilations de l’engagement.

 

La salle est à l’unisson et les émotions sont démultipliées face à cet objet de théâtre unique à la frontière des pratiques artistiques ; quand le rap répond au code « traditionnel » de l’histoire linéaire et les réseaux sociaux prolongent le plateau.

Poursuite de leur travail, Les Histrioniques est une catharsis joyeuse (car oui on rit des rites des rites du boys club), originale tant par sa mise en scène performative et le (ré)emploi des décors. La puissance sorore des comédiennes est créatrice, elle panse les premières plaies et autorise à espérer un front commun, dans un contexte où l’espoir de la militance est atteint.

 

À 20h20 au 11• Avignon

1H35

Relâches les vendredis 11 et 18 juillet

 

Heureux les Orphelins – Théâtre des Gémeaux

 

Electre retrouve son frère Oreste, œuvrant loin des siens dans un cabinet ministériel. Alors que leur mère est dans le coma, l’heure est venue de mettre des mots sur le passé afin d’affronter le présent. Mais le langage se dérobe, entre les non-dits auxquels se heurte Electre et les éléments de langage d’Oreste, esquivant la réalité ou les échecs de son ministre sur les pesticides. L’urgence pour Electre est d'opposer les mots qui révèlent au silence qui tue. Création de Sébastien Bizeau inspirée d’Électre de Jean Giraudoux, dans laquelle on passe du tragique avec la relation mère/fils-fille au théâtre politique pour casser les codes de la communication politique. C’était le coup de cœur du OFF 2023 avec des comédien.nes juste incroyables.

 

A 9H20 au Théâtre des Gémeaux

1H20

Relâche les mercredis

 

La tête ailleurs - 11• Avignon

 

 

Quel est le pire, être bloqué.e dans la routine ou dans une comédie musicale ? La compagnie Minds at work, créée en 2022 par Camélia Acef, Lucie Brongniart et Youri Rebeko, nous propose d’assembler les deux. Tout va bien dans le meilleur des mondes pour Norah, enfin pour tout semble aller bien à part un travail qui l’harasse et l’impression de courir après le temps. Tout lui réussit sauf ces chansons, cette petite voix qui commence à s'enclencher lorsqu’elle se concentre.

 

Près de sa coiffeuse, Nora sent « l’envie d’abandonner » lui titiller les oreilles. Pas le temps, elle doit continuer le métro-boulot-bar-dodo avec cette mélodie en elle. La banalité du quotidien en devient hilarante grâce au travail de Camélia Acef et Youri Rebeko de s’approprier entièrement les codes de la comédie musicale pour jouer avec. Au-delà de l’euphorie qu’il peut apporter (oui c’est une cause acquise qui parle ici), le décalage et les situations ubuesques que provoquent le travail musical et chorégraphique des musicals peuvent être une vraie plaie pour certains personnes (que je ne comprends pas). Jouer avec cette dissonance permet de capter tout le public et de rendre un hommage appuyé aux comédies musicales aux diverses influences (mention spéciale au Tango du tocard) avec beaucoup d’humour.

Cette confusion dans la tête révèle au bout de la deuxième partie de la pièce un sujet plus dramatique et rempli d’émotions (on vous laisse y aller pour découvrir).

 

La tête ailleurs saura retourner les têtes même des plus grands réfractaires à la comédie musicale !

 

À 14H55 au 11• Avignon

1H

Relâches les vendredis 11 et 18

 

Monstres – La Factory / Salle Tomasi

 

Deux ans après leur sortie d’école, une troupe de comédien.nes décident de monter un spectacle pensé depuis longtemps, inspiré de l’œuvre de Simone et André Schwarz-Bart (inconnus au bataillon pour ma part jusqu’il y a un an). On découvre une création aux airs problématiques qui ne résonne pas pour toustes… Ça aborde des questions d’identité et critique la sacro-sainte liberté de création (qui justifierait tout) en tissant d’autres réflexions sur le racisme systémique dans le théâtre, l’appropriation culturelle et le privilège blanc. Le fond de l’air est grinçant, tonique et une bande originale de feu avec une très belle écriture !

 

À 17H45 à la salle Tomasi / La Factory

1H10

Relâches les mardis

 

 

Antigone – La Factory / Roseau Teinturiers

 

 

Une réécriture rafraichissante et moderne (avec un soupçon de décalage) du mythe de Sophocle avec la volonté de ne pas occulter l’humanité des personnages de la version d’Anouilh. On y découvre par exemple une relation entre Antigone et sa sœur plus forte qu’on ne le pense quand cette dernière tente de la résonner pour l’empêcher de mener à bien son projet :« N’oublie pas, nous sommes femmes, nous n’aurons jamais raison contre des hommes. ». Ça réconcilie si vous n’êtes pas adeptes ou si vous gardez un mauvais souvenir de la tragédie grec du bac français. Les comédien.nes apportent leurs pattes entre gravité et une forme d’insolence : mention spéciale à Romain Arnaud-Kneisky qui joue un chœur aux tons décalés et desabusés.

 

À 13H35 au Roseau Teinturiers / La Factory

1H10

Relâches les mardis

 

 

Made in France – 11• Avignon

 

 

Qu’est-ce qu’on attendait le retour de la compagnie La Poursuite du Bleu ! La compagnie s’attaque ici à la désindustrialisation regrettée, entamée et redoutée, comme un signe de perte de puissance. Le tout emballé dans une satire complète et vibrante.

 

Des praticables/panneaux noirs mouvants, un taulard aux airs candides (incarné par le frénétique Paul-Éloi Forget) déboule, impatient de goûter aux premières minutes de la peine aménagé. Son nom : Emile Taillefer. S’enclenche le premier engrenage, celui d’un clin d’œil aux Temps Modernes de Charlie Chaplin. Bracelet électronique au pied et un air fier, il s’avance vers l’usine où il doit travailler comme technicien de surface. Le plan social est déclenché, on délocalise et les employés sont condamnés à négocier leurs indemnités de départ. C’est la grève générale. Par un enchaînement de quiproquo, Emile devient chargé d’annoncer le licenciement généralisé et la fermeture de l’usine puis syndicaliste déterminé à sauver l’usine et ses salariés. Pour l’intérêt général ? Non non, juste le sien… Enfin… c’est ce qu’on pensait… 

 

Un directeur enfermé dans son bureau pour ne pas être lynché, un milliardaire repreneur aux allures de Jeff Bezos, une syndicaliste corrompue… Toustes sombrent dans l’absurdité de la réalité jusqu’à faire de cette usine le symbole d’une élection présidentielle. L’engrenage des manœuvres politiques prend la suite, au son d’une batterie vibrante qui retransmet la tension traversant chaque personnage. 

 

La scénographie mobile suit le rythme effréné et chronométré des comédien.nes toustes aussi impeccables les un.es que les autres (citons-les June Assal, Saunier, Paul-Eloi Forget, Valérie Moinet, Samuel Valensi), le cœur vrombissant de la batterie apporte la dernière touche d’une lutte sans doute, sans fin. Si le cynisme tend à nous désespérer de notre réalité, le théâtre éclairant, revigorant de la Poursuite du Bleu demeure le meilleur outil pour continuer à s’engager.

 

À 12h au 11 • Avignon

1h35

Relâches les vendredis 11 et 18

 

 

Paquita – Théâtre des Béliers

 

A notre entrée, une femme fait les cent pas sur scène, nous saluant. L’histoire a-t-elle déjà commencé ? Oui, c’est l’histoire dans la grande Histoire qu’a découvert Marine Llado dans sa famille, auprès de sa grande tante, Paquita. Elle en parlait depuis très peu, bride par bride. Un soir discutant avec ses parents, Marine veut en découvrir une partie. Le lendemain, elle part rendre visite à sa grande tante, accompagnée de sa mère. Dans la cuisine, Paquita tricote des chaussettes en laine. Un geste à première vue banal, qui revêt une symbolique : une dette envers la Croix Rouge pendant la Guerre D’Espagne. Nous voilà plongés 70 ans en arrière…

 

Amposta (à l’Est de l’Espagne), janvier 1939. C’est le traditionnel repas familial du dimanche. Chacun arrive pour aider ou s’attabler ; Paquita essaye de se frayer un chemin. Marco, son père débarque et annonce la prise de la région par le Général Franco. Ils doivent fuir sur le champ, vers la France. Pour y arriver, ils s’arrêtent temporairement à Barcelone. Mais le 26 janvier 1939, Barcelone chute : le périple recommence pour la famille de Paquita ainsi que près de 500 000 personnes. C’est la « retirada » (exode).

 

L’histoire de Paquita est un récit d’exil, de guerre et de lutte contre le fascisme. Marine Llado la porte avec rythme et fluidité, passant d’un personnage à un autre avec leurs mimiques et la douceur de ses émotions, sans artifices. Ce récit lui tient à cœur, ça se voit !

 

A 14H25 au théâtre des Béliers

1H20

Relâche les mercredis

 

 

Le Revizor – Espace l’Alya

 

 

Dans une province reculée, corrompue, une lettre secrète vient secouer la petite bourgeoisie locale : un Révizor evoyé par l’Etat arrive incognito pour inspecter la gestion de la ville. La rumeur court alors qu’il se cacherait à l’auberge, sous les traits d’un jeune homme ayant perdu tout son argent aux cartes. Gouverneur et administrateurs des hôpitaux ou du tribunal imaginent toutes les combines pour dissimuler la désastreuse gestion de la ville. Dans une ambiance burlesque noire et blanche, chaque personnage nous emmène dans une comédie pleine de fraîcheur et de quiproquo.

Idéal pour les adeptes de vaudeville, encore plus pour ceux/celles qui louent la prose russe ET une bonne manière de finir une journée avignonnaise !

 

À 22h à l’Espace Alya

1H30

Relâche les mercredis

 

 

Poings – Théâtre des Barriques

 

 

Poings, c’est une histoire d’amour morcelée en cinq tableaux de la rencontre à la rupture, racontée à travers le point de vue d’une femme qui cherche à trouver un sens à ce qu’elle a vécu. Poings, c’est l’histoire d’une rencontre amoureuse qui vire au cauchemar. C’est une histoire de domination, de rapport de force. C’est l’emprise de LUI sur TOI. C’est le combat de TOI et MOI, ce duo de femmes brisées qui cherche à comprendre. Les mots sont incisifs, le cœur est à 120bpm, le souffle est coupé par le jeu puissant des comédien.nes et le travail du son. A découvrir d’urgence !

 

A 13h au théâtre des Barriques

1h

Relâche les mardis

 

Crédits photos : 1- Compagnie Le Square / 2 : Alain Monot / 3 : Bernard Hennequin / 4 : Compagnie Le vélo volé / 5 :Jules Despretz  / 6 : India Lange / 7 : Laura Martin

 

Jade SAUVANET

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