la guerre des vanités de marin ledun
La petite ville de Tournon, 10 milles habitants, dans l’Ardèche, est bouleversée par une vague de suicides d’adolescents : 5 en une seule journée, dont certains ont été filmés par webcam. Evidemment, tout cela est trop gros pour n’être qu’une simple coïencidence : un élément déclencheur, voire une tierce personne, est forcément derrière ce phénomène.
Le lieutenant Alexandre Korvine, chargé habituellement de traquer les dealers de Valence, est sommé de se rendre à Tournon pour enquêter sur place. Fumeur invétéré, secoués par d’impressionnantes quintes de toux, il va devoir fouiller dans les mystères et les zones d’ombres de la ville et faire parler ses habitants, peu enclins à s’épancher, afin de faire éclater la vérité au bout de trois jours d’une enquête menée à un rythme d’enfer.
Une fois refermé la dernière page de ce roman, deux évidences s’imposent : la première, c’est que l’office de tourisme de Tournon n’a pas du promouvoir ce livre de Marin Ledun, qui est en est originaire, tant l’atmosphère pesante de cette bourgade où tout le monde se connait, s’épie, vit avec ses petites rancoeurs et grosses désillusions est parfaitement rendue. Réussir à décrire aussi bien cette ville, de ses ruelles désertes, à sa maison pour tous, sans passer par la clinique où se joue une grosse partie de la clé du mystère est un vrai tour de force.
La seconde évidence tient à ce tour de force, étroitement lié au talent de l’auteur. Marin Ledun, 35 ans, dont la renommée n’a pas encore dépassé le microcosme des auteurs de polar français, s’impose à l’évidence comme un très grand styliste du roman noir hexagonal : Intense, haché, tranchant comme une lame de rasoir, Ledun affiche une maitrise totale de son sujet, qu’il tient du début à la fin. On vibre réellement avec ce Korvine, pourtant peu sympathique de prime abord, mais qui, comme tout bon héros de roman policier qui se respecte, révèle une humanité et des failles sans fond , à tel point que le lecteur ne lâche pas ce roman, tenant absolument à savoir ce que cache le mutisme de ces citoyens quelque peu étranges.
Mais plus qu’un simple thriller très efficace, La guerre des vanités traite de sujets sociaux brulants : l’incommunicabilité entre les générations, le malaise des adolescents, de l’impact des nouvelles technologies, tout cela sur un ton engagé et révolté, mais jamais manichéen.
Après l’énumération de toutes ces qualités, il est mille fois dommage que l’on ressente comme une sensation d’inachevé une fois le livre refermé : l’auteur nous avait tellement mis en appétit pendant les 450 premières pages que le dénouement, somme toute très banal, fait quelque peu retomber le soufflé. En même temps, un twist final aurait certainement paru ridicule et peu approprié à cette si juste peinture sociale, mais pour un amateur de polar en mal d’ébouriffantes révélations, cette sobriété finale peut quelque peu désappointer, sans jamais que cela n’entrave la force immense des pages qui précèdent.