La petite de L a tout d'une grande
S'il fallait désigner une révélation musicale féminine au cours de l'année 2011 dans la chanson française, et avant que les Victoires de la Musique ne la consacre dans quelques semaines, une seule artiste mériterait ce titre sans la moindre contestation. Cette dernière porte comme nom de scène une seule et unique lettre, comme le célèbre fils de Louis Chédid, le fameux M.
En effet, totalement inconnue du grand public en début d'année dernière, la chanteuse L, alias Raphaële Lannadère, a réalisé une remarquable percée dès la sortie de son premier album baptisé Initiale. La partie n'était pourtant pas gagnée d'avance. Car le répertoire de L ne correspond pas forcément à l'air du temps. Et d'ailleurs, la première écoute Initiale m'a un peu rebuté, car les influences de Barbara ou Brel étaient un peu trop voyantes, et l'ensemble, de la voix aux arrangements, m'a semblé vraiment trop désuet, et vraiment passé de mode.
Toutefois, des écoutes ultérieures du disque m'ont convaincu du potentiel de la demoiselle, qui, surtout, possède un talent indéniable pour trousser des textes très forts, à mille lieux de la simple énumération du quotidien, comme le font certains de ses collègues avec plus ou moins de talent. Lers chansons de L sont en général des réelles fictions musicales polissées en 4 minutes chrono, et qui abordent des sujets parfois intimes, parfois plus d'actualité, parfois un mélange des deux.
A ce titre, la véritable pépite du premier album de L est à mes yeux, et sans hésitation, son premier single, la chanson Petite.
Petite, ca raconte en fait le point de vue d'un type, client de prostitué, et qui tomve amoureux d'une petite, une prostituée afraicaine sans papier et renvoyée de France.
Petite inhale ainsi, de par son texte, et sa mélodie, un parfum fort et entêtant de subversion, d'exotisme et tellement d'actualité. Le dénouement sera forcément tragique, l'amour entre ce pauvre quidam et cette jeune catine étant indubitablement voué à l'échec.
Les mots choisis sont très beaux, nouant une poésie urbaine à laquelle il est difficile de ne pas y résister. Et, cerise sur le gâteau, la tessiture de la voix de la chanteuse fait ici énormement penser à du Véronique Sanson de la grande époque, ce qui est pour moi un immense compliment.
Pour ceux qui ne connaissent pas ce morceau, pourtant diffusé sur certaines grandes ondes de Radio France, je vous laisse l'immense plaisir de le découvrir dès maintenant.
Ma p'tite ma douceur
Je me souviens de tout
Ces talons crève-coeur
Et l'odeur de ton cou
Les trottoirs qui luisaient
Parce qu'il avait plu
Ta peau de nacre noir
La courbe de ton cul
Ce bruit des bracelets
Que tu cales à tes pas
Qui écrivait chaque fois
Mon coeur en pointillés
Puis tes yeux surtout
Et leur drôle de lueur
Ma p'tite ma douceur
Je me souviens de tout
Il faisait presque nuit
Et j'ai juré au ciel
Que t'étais pour ma vie
Une patrie nouvelle
Je voulais tout apprendre
Tes rires ton drapeau
Les marques sur ta peau
J'avais mon coeur à vendre
J'ai oublié mon nom
Pour m'rappeler tes chansons
J'laissais mes souvenirs veufs
Pour toi pour être neuf
Amnésique en exil
Et déjà patriote
J't'ai conté mes idylles
Jusqu'à c'que tu m'adoptes
Refrain
J'voudrai juste te r'trouver
J'peux pas croire qu'ils sont fous
Pour t'avoir embarquée
Sans que j'puisse te r'parler
Faut qu'j'te dise que mon corps
Ne peux pas t'oublier
Et que je porte encore
Sur ma peau tes baisers
Je suis tous les tapins
Aux parfums truandés
Qui vendent leur destin
Contre des faux papiers
Loin des bars tapageurs
Et des quartiers branchés
Y'a tes petites soeur
J'aurai dû t'épouser