La vie d'une autre: les (timides) débuts de Sylvie Testud derrière la caméra
L'expérience de l'avant première du film The Descendants (qui sort d'ailleurs ce mercredi en salles) m'avait tant plu que j'ai voulu la réitérer. Ainsi, lorsque les cinémas Gaumont-Pathé se sont lancés dans une vaste opération d'avant première pour des films qui sortiront sur nos écrans en février, je n'ai pas hésité une seconde et j'ai fait mon choix sur un des films qui m'attirait le plus : la Vie d'une autre, le tout premier film réalisé par l'actrice-romancière Sylvie Testud que j'apprécie particulièrement, comme je le disais ici.
Contrairement à l'avant première du film d'Alexander Payne, j'arrivais dans les salles de cinéma avec plus d'élèments sur ce que j'allais voir. En effet, je savais que pour sa première réalisation, Sylvie Testud avait choisi d'adapter un roman qui a connu un certain succès et que j'ai eu l'occasion de lire l'été dernier, La vie d'une autre (tiens le meme titre, c'est quand meme bien fait) écrit par la romancière Frédérique Deghelt.
Si le roman m'avait laissé une impression mitigée, j'étais tout à fait partant pour tenter l'aventure cinématographique car je trouvais que le postulat de départ était absolument formidable, mais que l'auteur ne l'avait pas, à mon sens, exploité jusqu'au bout.
De plus, le duo d'acteurs choisi par Testud avait de quoi faire saliver: Juliette Binoche, et surtout Mathieu Kassovitz sont suffisament rares sur nos écrans pour être ravi de les voir ensemble à l'affiche dans le rôle d'un couple qui doit traverser une terrible épreuve. Et l'épreuve en question n'est pas banale puisque la femme du couple, Marie, se réveille un beau matin en oubliant 15 ans de sa vie, persuadé que l'homme à coté d'elle est son jeune amour rencontré la veille, alors qu'en réalité, elle va vite s'apercevoir qu'ils sont mariés depuis longtemps, parents d'un enfant de 7 ans, et même en instance de divorce. Dès lors, alors que personne évidemment ne se doute de ce qu'elle traverse, elle va tout faire pour faire basculer l'ordre établi. et reconquérir celui qu'elle pensait n'avoir jamais perdu.
Cette idée de départ est donc trés belle puisqu'elle permet de s'interroger sur la routine dans la vie à deux, comment les idéaux du début se noient avec l'amertume et la trahison des relations conjuagales, un peu comme dans le très beau Blue Valentine). Le problème est que d'une vie à l'autre m'a beaucoup plus fait penser à d'autres films, comme L'âge de raison avec Sophie Marceau et surtout Deuxième vie de Patrick Braoudé (au fait qu'est il devenu celui la?) comédie un peu lourdaude où un type indécis se retrouve d'un coup projeté 15 ans après sans vivre la vie qu'il aurait voulu s'il s'était un peu décidé avant.
En effet, jamais Sylvie Testud ne trouve le juste équilibre entre les deux versants du film, la réflexion sur la vie à deux laissant trop souvent le pas à la comédie classique sur les anachronismes entre les époques, et un certain nombre de scènes jouent sur ce décalage (la découverte de l'euro, de l'ouverture automatique des portes de voitures, le mail...) sans que cela ne soit du reste très drôle, et en laissant tomber la vraie quête de l'héroine : sauver son couple. Testud ne retrouve son sujet que vers la fin du film, et cela donne d'ailleurs de belles scènes, notamment cette scène de péniche où le couple Binoche/Kassovitz touche par leur complicité évidente, et la subtilité de leur jeu. En revanche, les personnages secondaires manquent vraiment de consistance, notamment les pauvres Aure Atika ou François Berléand, réduits à jouer les simples utilités.
Même si on sait gré à Sylvie Testud de s'écarter assez largement du roman de Frédarique Deghelt (notamment pour la fin où le livre proposait une solution rationelle, absente ici), on regrette qu'elle n'ait pas écrit elle même le scénario de son premier film, elle qui nous avait montré dans ses romans une subtilité psychologique plus fine.
Bref, je ne pourrais augurer du succès ou non du film, mais la salle dans laquelle j'ai découvert la vie d'une autre était bien froide, et cela m'étonnerait que Sylvie Testud cinéaste ait autant de succès que la romancière. Mais Peut-être aurais-je faux sur toute la ligne? Je l'espère sincérement pour elle, car au risque de me répeter, et c'est pour cela que ma déception est amère, j'aime beaucoup l'artiste.