Sortie DVD : l'enfance du mal
Céline, une gamine de quinze ans, a fui de chez ses tuteurs. Elle a élu domicile dans la dépendance d'une maison bourgeoise, à l'insu de ses propriétaires, le juge Van Eyck et sa femme. Découverte un soir, elle parvient à se faire accepter, et jour après jour, s'évertue à séduire ses nouveaux hôtes. Jusqu'à ce qu'une série de révélations les amènent à douter que sa présence ne tienne qu'au hasard...
Je vous préviens d'emblée pour ceux qui ne la supporteraient pas (comment serait il possible?) ou qui n'en ont jamais entendu parler (idem): j'ai prévu trés prochainement de rédiger dans un billet une ode à une jeune actrice qui a -presque- supplanté Mélanie Laurent dans mon coeur : il s'agit d' Anaïs Demoustier, certainement l'actrice la plus brillante et la plus prometteuse de sa génération (ce n'est pas même moi qui le dit, mais Télérama). Récemment, à quelques jours d'intervalle, j'ai pu la voir comme rôle principal de deux excellents films français : D'amour et d'eau fraiche et L'enfance du mal.
Si je reviendrais plus longuement sur ses performances dans cette prochaine chronique, je vais ici plutôt m'interesser au second film que j'ai vu dans lequel elle jouait, l'Enfance du mal réalisé par Olivier Coussemacq, dont c'est le premier film, et dont le DVD, Distribué par Zylo est sorti le 05 janvier dernier, et que j'ai eu la chance de visionner grâce à Cinétrafic et son opération "un dvd contre une chronique".
L'Enfance du mal reprend un thème cher au cinéma psychologique, thème traité notamment par Pasolini dans son Théorème : celui de l'étranger qui vient bouleverser l'équilibre d'une famille. Ici, la famille en question est un couple de notables bien mis de province, un peu coincé et un peu éteint, celui d'un juge et de sa femme. L'apparition d'une jeune fille de 15 ans, au milieu social nettement moins favorisé va faire effondrer leurs certitudes et l'édifice précaire du couple.
Le film englobe plusieurs thématiques, proches d'un Claude Chabrol, et qui sont celles qui me passionnent particulièrement : le vernis des apparences qui s'écaille, les différences de classe sociale, mais également générationnelles . Tout cela est agrémenté d'une intrigue pas forcément policière, mais en tout cas autour d'une machination un peu diabolique : la jeune fille n'est pas arrivée innocemment dans cette famille, et même quand on saura à la moitié du film les raisons de son plan, il sera passionnant de savoir comment il se met en place, et surtout comment elle se retrouve un peu dépassée par ce qu'elle a mis en place.
L'enfance du mal n'est pas un film devant lequel on se sent à l'aise : un peu comme chez Hanecke, la cruauté des dialogues, le climat d'ensemble, les enjeux entre les personnages, tout ceci forme un ensemble assez glaçant et tendu à l'extrême. Mais le plaisir que l'on prend devant la précision du mécanisme qui se met en place, et la complexité des situations est manifeste. A cet égard,le jeu du chat et de la souris qui s'instaure entre la jeune fille et le juge est absolument jouissif à suivre :on pense un peu à Noce Blanche (et Ludmilla Mickaël reprend d'ailleurs 20 ans après un rôle un peu similaire), le chef d'oeuvre de Jean Claude Brisseau, et toutes ces influences que j'ai citées ( Chabrol, Hanecke, Brisseau), loin d'écraser le film, en font une oeuvre tout à fait estimable.
Mais évidemment le film n'aurait pas la même force si les acteurs du trio n'étaient pas aussi exceptionnels : Anais Demoustier, évidemment (mais promis j'y reviens vite) , et également Pascal Gréggory, toujours magnifiques dans ces rôles ambigus et Ludmilla Michaël, qui dans ce personnage de troisième pièce du puzzle, aux motivations toujours mystérieuses, rend une partition parfaite.
La mise en scène d'Olivier Coussemacq affiche, pour un premier film, une maitrise invidente, avec une ambiance à la lisère du fantastique, avec notamment un travail sur la lumière assez saisissant.
L'enfance du mal n'est certes pas forcément un film qu'il faut voir si on veut seulement se détendre, mais c'est un film intelligent, ambigu et captivant, donc évidemment à voir.
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Les bonus ne présentent rien d'exceptionnel ( un court métrage du réalisateur, fait en 2001, avec Catherine Jacob et Fred et Omar, mais pas très réussi, et un making off assez convenu), mais peuvent facilement être vus pour prolonger le plaisir du film.