La vie est brève et le désir sans fin: une simple question de style
Si j'ai tendance à clamer haut et fort à qui veut l'entendre qu'au cinéma, je préfère toujours le fond à la forme, et qu'une belle histoire mal mise en scène me plaira toujours plus qu'un vide scénaristique superblement filmée (dernier exemple en date Holly Motors), cela est moins vrai pour la littérature, sans que je puisse expliquer vraiment pourquoi.
Ainsi, une histoire banale, sans grand rebondissement, qu'on a eu l'impression de lire mille fois, peut totalement être transcendé par le style de l'auteur.
J'en veux pour preuve ma dernière lecture en date, La vie est brève et le désir sans fin (j'aime le titre, qu'on dirait tiré d'un proverbe chinois mais je reconnais en même temps qu'il est un peu pompeux), ce roman de Patrick Lapeyre sorti en 2010 et auréolé du prix Femina.
Le livre raconte une histoire d'amour et d'adultère assez banale : Louis aime Nora, il vit avec Sabine et ne voit pas d'issue. Nora est jeune et sensible, à fleur de peau et d'émotions. Elle aime Louis, et se sent en même temps attachée à Murphy, un américain trader vivant à Londres.
Bref, des thèmes que la littérature française a déjà abordé maintes et maintes fois mais le style de Patrick Lapeyre (fait la différence...Il faut dire que j'avais déja bien apprécié l'Homme soeur, le roman qui l'avait fait connaitre en 2005,
Le style de l'auteur, entre élégance, détachement et mélancolie, apporte un regard juste et délicat sur la lâcheté des hommes et la folie amoureuse des femmes.. Lapeyre sait scruter au scalpel la violence des situations, et s'attacher de façon singulière aux perceptions et aux émotions des personnages.
De fait, entrer dans la tête de ces personnages n'est pas difficile tant ils nous apparaissent comme compréhensibles, humains, car pétris de faiblesses :aucun n'a la volonté ou le courage de mettre fin à sa souffrance, et même pire, chacun a trouvé pour seule échappatoire de faire souffrir à son tour ceux qui l'entourent. Alors, même si ces personnages n'ont rien de profondément sympathique, leurs doutes et états d'ame nous les rend si proches de nous qu'on ne peut que s'incliner devant la justesse du trait.
Un roman sombre (et pourtant Télérama en parle comme d'une comédie, cherchez l'erreur), pas forcément la lecture idéale pour une plage, mais assurément un des meilleurs romans français lus dernièrement.