Mon festival de Cannes : Dolan qui s'enerve et un palmarès qui m'agace....
Le Festival de Cannes, c'est quand même un de ces rares endroits où même ceux qui n'y sont pas ont des choses à dire dessus, et je ne déroge pas à cette règle un poil limite quand même: en effet, entre les émissions de TV et de radio, les life tweets, les éditos de la presse écrite, j'ai largement de quoi alimenter un billet critique sur le festival de Cannes, d'autant qu'un peu malgré moi j'ai été l'objet d'un échange avec un des acteurs les plus médiatisés de ce festival de Cannes...
Non, je ne parle pas de Depardieu ou DSK, mais bien du petit prodige canadien que tout le monde (et lui en premier) a vu palmé d'or samedi soir...
1. Dolan m'a tweeté (ou... lorsque j'ai joué le rôle de la mouette)
Comme je l'ai déjà dit, j'ai, bien plus que l'an passé, suivi très régulièrement le festival sur Twitter, histoire de prendre le pouls à chaud des festivaliers accrocs à leurs smartphone.
Ainsi, dès jeudi matin et la première présentation presse du film de Xavier Dolan, "Mommy," Twitter ne tarissait pas d'éloges sur la projection du 5ème film de l'enfant prodige du cinéma canadien, laissant augurer un même choc que la vie d'Adèle l'année dernière.
Cette nouvelle déclaration d’amour pour la figure maternelle - une mère esseulée merveilleusement interprétée par Anne Dorval, aux côtés d’Antoine-Olivier Pilon et Suzanne Clément a touché au coeur quasi l'unanimité des festivaliers, par la justesse de cette tragicomédie et de son trio d’acteurs et tout le monde ou presque le voyait comme le plus jeune lauréat à 25 ans de la palme d'or (on sait ensuite ce qu'il est advenu)...
Bref, tout autant épaté par l'onde de choc que ce Mommy créa sur la croisette, que toujours un peu géné par l'égo surdimensionné et l'arrogance du cinéaste (qui avait affiché ouvertement son grand mécontentement lorsque le très beau "Lawrence Anyways" en 2012 avait été projeté seulement à un Certain Regard), je me suis laissé prendre sur Twitter au jeu des rumeurs qui laissait entendre que le jeune metteur en scène faisait des pieds et des mains, et notamment auprès de l'irréprochable Gilles Jacob, pour que son film récolte la récompense suprème samedi soir...
Et du coup, je me suis permis une petite reflexion, je le concède volontiers, pas forcément des plus heureuses.. je ne pouvais me douter que quelques minutes après ce tweet qui pour moi (comme 99% de mes tweets) allait passer totalement inaperçu, Xavier Dolan en personne allait me répondre (à moi mais aussi à mon interlocutrice et également à Gilles Jacob, qui n'avait pas demandé grand chose en l'occurence)... une réponse que je vous livre de suite et qui pourrait se passer de commentaires :
Bref, ce tweet- qui jusqu'à la cérémonie de cloture fut le dernier posté par Dolan- valut un peu mon heure de gloire, puisque je n'ai jamais été reçu autant de notifications en si peu de temps; un grand nombre d'adorateurs du cinéaste du monde entier le mettant dans les favoris, certainement emballés par l'insolence et la fougue de ce jeune prodige qui cloue le bec de la meilleure des façons à ses détracteurs...
Sauf que le détracteur en question aime beaucoup le cinéma de Dolan (surtout ses derniers films) et ne pensait pas avoir été le seul à (gentiment) gloser sur le (supposé?) énorme égo de ce jeune réalisateur (mais peut -etre que les autres ricaneurs n'avaient pas osé le poker directement :o)... Enfin, bref, comme m'a rétorqué l'excellente blogueuse Madimado, même si sa réponse ne fut pas des plus cordiales, avoir un tweet en personne de celui qui sera certainement dans les années à venir considéré par tout le monde comme un des plus grands cinéastes du monde, c'est quand même super la classe, non?
Et, évidemment si Dolan avait reçu la récompense suprème, notre "échange" virtuel aurait été encore plus mis en avant...ce n'est pas (que?) pour cela que je tenais vraiment à ce que "Mommy" ait la palme samedi soir, mais bien parce que je suis persuadé que ce film (que je n'ai bien sûr pas vu) va beaucoup me plaire, de par son sujet et son traitement, surtout comparé aux autres films primés( je reviens dessus quelques lignes en dessous)...
Il est indéniable aussi que Dolan pensait également, lorsqu'il a été rappellé sur la croisette, obtenir la palme, et d'ailleurs, son discours lors de la remise du prix du jury, au demeurant très émouvant, laissait fortement penser que c'était le même qu'il avait prévu pour la Palme d'or ... il n'empêche, j'ai ressenti beaucoup d'émotion lorsque Xavier (je peux l'appeller Xav maintenant vus nos rapports privilégiés) s'est proclamé être "éperdu de gratitude": "c'est vrai on fait ce métier pour aimer et être aimé en retour. C'est la revanche des amours imaginaires".
Donc, même si tu veux que je me la ferme cher Xavier, je ne t'écoute pas et te redis à quel point l'arrivée de ce type là dans le cinéma actuel fait un bien fou, et dommage que Jane et ses sbires n'aient pas voulu le consacrer totalement....
2. Un palmarès qui ne va pas du tout chercher le grand public
Ce moment d'émotion était quasiment le seul de l'annonce de ce palmarès qui, sincèrement, n'a pas convaincu tout le monde, moi le premier.
Evidemment, le gros coup d'éclat de ce palmarès, un coup qu'on imagine murement pensé est bien d'avoir associé, le cinéaste le plus âgé de la compétition au plus jeune. Mais si je m'attendais donc à voir Dolan avec une autre récompense que ce (petit) Prix du Jury, donner une récompense pour un film de Godard, alors que cela fait plus de 20 ans que l'ancien grand maitre du 7ème art réalise des films de plus en plus abscons et totalement hermétiques au plus grand nombre ne m'a pas paru si judicieux et semble plutot être comme un lot de consolation vu que ce grand metteur en scène qui a réalisé de films qui font partie du patrimoine de l'histoire du cinéma ("A Bout de Souffle" ou "Pierrot le fou", entre autres) n'avait jamais été récompensé à Cannes..
Mais ce prix accordé à Adieu au langage ( qui sort en salles ce mercredi mais pour le coup, je vais m'accorder une petite dérogation à ma règle proclamée vendredi dernier) va bien dans le sens du palmarès qui a préféré privilégier des films qui sonnent très "cinéma d’auteur", dans le sens le moins accessible du terme, un cinéma qui privilégie le contemplatif, et qui demande au spectateur un vrai effort pour entrer dans cet univers.
J'ai vu un ou deux films du cinéaste Nuri Bilge Ceylan et même si le jeu de mot est facile ( je ne ne l'ai meme pas osé sur twitter, je préfère me faire discret maintenant :o), je trouve qu'il mérite bien son patronyme... c'est(un peu) beau mais c'est ( très) lent quand même.... et ces 3h 16 de Winter Sleep sur le papier me semblent d'ores et déjà 3 fois plus longues que les 3h 01 de la vie d'adèle, mais bon, j'irais certainement à la mi août dans les salles vérifier par moi meme si mes réticences de départ se sont avérées... Il parait que le film fait beaucoup penser aux "
de Bergman, donc si je suis en bonne forme avant la projection, il est possible que je sois aussi souflé par la profondeur psychologique des personnages...à voir ...Mais quoiqu'il en soit, entre ce "Winter sleep", "Leviathan" d’Andreï Zviaguintsev (dont j'avais vu l'assez soporifique
), "Les Merveilles" et "Adieu au langage, le jury a fait le choix d'un cinéma radical, voire austère, et a laissé sur le carreau des films pas forcément grands publics non plus mais qui aurait certainement plus attiré le grand public comme Tumbuctu d' Abderrahmane Sissako sur les injustices du régime de terreur des djihadistes qu'on pressentait fortement parmi les favoris.Et puis grosse déception pour moi que l'absence de "Deux jours, une nuit" au palmarès qui montre que décidement j'ai du mal avec les palmarès de Cannes.. pour avoir vu ce film - et j'en reparle bientôt- il fait partie pour moi de mon préféré de ces cinéastes, et autant j'avais tout le temps des réserves sur les autres films des Dardenne- des films pourtant toujours récompensé à Cannes- autant là, je trouve le film magnifique et tout à fait "palmable"..
Et puis j'aurais adoré que Marion Cotillard, méconnaissable et admirable dans le film, ait cette récompense qu'elle aurait déjà pu avoir les deux dernières années, meme si Julianne Moore que j'ai vu aussi dans "Map to the stars" de Cronenberg ( j'en reparle aussi prochainement) n'a évidemment pas volé son prix.
Par contre, si Mike Leigh a offert un film
académisme, l’interprète du peintre, Timothy Spall, mérite largement le prix d’interprétation masculine tant je l'ai toujours trouvé génial dans les autres films du réalisateur anglais.Des films comme
(David Cronenberg), (Bennett Miller), (Bertrand Bonello) , , d’Olivier Assayas, si on écoutait la presse écrite aurait totalement pu prétendre à une haute récompense, mais manifestement la présidente du Jury a préféré mettre en avant un cinéma plus radical qui ne risque pas de faire exploser le nombre d'entrées, mais qui pourra mettre un beau coup de projecteur sur ces cinéastes un peu méconnus.. Jane Campion avait prévenu avant que le festival ne commence : elle ne chercherait pas à primer les films les plus à même d'être des succès commerciaux, elle a tenu sa promesse au delà des espérances.3. Sortie des films en compétition à Cannes
Pour finir, si on jetait un oeil sur les dates de sorties de tous ces films en compétition, ceux récompensés et ceux qui le sont pas.... Notons que, coupe du monde du Brésil oblige, pas mal de films évenements du festival sont déjà sortis en salles et ceux qui restent ne sortiront pas du tout en juin, contrairement aux autres années... Mais dès cet été, avec les sorties du Loach et le Ceylan, tous ceux qui étaient absents sur la Croisette pourront aller vérifier si j'avais raison ou pas de raler contre ce palmarès...
Déja en salles:
- "The homesman", de l'Américain Tommy Lee Jones
- "Maps to the stars", du Canadien David Cronenberg
- "Deux jours, une nuit", des Belges Jean-Pierre et Luc Dardenne
- "Adieu au langage", du Franco-suisse Jean-Luc Godard
Prochainement sur grand écran:
- 2 juillet: "Jimmy's hall", du Britannique Ken Loach
- 13 août: "Sommeil d'hiver", du Turc Nuri Bilge Ceylan
- 20 août: "Sils Maria", du Français Olivier Assayas
- 17 septembre: "Les nouveaux sauvages", de l'Argentin Damian Szifron et "Still the water", de la Japonaise Naomi Kawase
- 24 septembre: "Leviathan", du Russe Andreï Zviaguintsev
- 1er octobre: "Saint Laurent", du Français Bertrand Bonello et "Captives", du Canadien Atom Egoyan
- courant octobre: "Mr Turner", du Britannique Mike Leigh
- courant novembre: "Foxcatcher", de l'Américain Bennett Miller
- 26 novembre: "The search", du Français Michel Hazanavicius
- janvier 2015: "Les Merveilles", de l'Italienne Alice Rohrwacher
Mommy et Timbuktu : dates non encore fixées...