Trois romans coup de poing de la rentrée littéraire
La semaine passée, en voulant donner à une amie que je n'avais pas vu depuis longtemps, un conseil de lecture pour un roman de la rentrée littéraire Je me suis aperçu que,mine de rien, et ce, bien que j'ai déjà atteint les 4% du challenge de la rentrée littéraire chez Hérisson, je n'avais pas beaucoup de coups de coeur de cette rentrée à lui donner., ce qui est un peu balot vu que mon blog se veut être à 50% littéraire.
En effet, entre les essais, les albums jeunesse, les livres sur le 7ème art et sur la musique, ou même quelques polars j'avais un peu laissé de côté la littérature générale, les romans, forcément un peu plus chronophage que le reste.
Heureusement, on a mis un petit coup de collier Michel et moi, et après Le superbe "'homme de la montagne" présentée mercredi soir, voici encore 3 excellents romans, plutot rentre dedans, de cette rentrée littéraire avec cette revue qui je l'espère donnera de précieux conseils à cette amie...et également à vous, je l'espère aussi, chers lecteurs de Baz'art passionnés de littérature :
1. La mécanique des fluides, Lidia Yuknavitch ( Denoël)
"Je suis pour le restant de ma vie une fille qui brûle.
Cette image de Jeanne d'Arc brûlant dans un feu à brûlé en moi comme une nouvelle religion. Son visage tourné vers le ciel".
"La mécanique des fluides" est l'oeuvre d'une certaine Lidia Yukanavitch dont je n'avais jamais entendu parler avant la publication de ce roman en cette rentrée littéraire fait partie de ce genre littéraire souvent périlleux qu'est l''autofiction, qui peut donner lieu à des romans souvent un peu pénibles à lire, qui nous donnent parfois l'impression de se sentir un peu voyeuriste devant les confessions les plus intimes qui soient.
Ca pourrait être largement le cas dans ce Mécanique des Fluides, mais heureusement il n'en est rien, comme quoi tout est question de style. Il faut dire que la vie que nous décrit Lidia Yukanavitch , et notamment son enfance auprès d'une mère alcoolique et dépressive et d'un père brutal n'est pas celle dont on peut rever. Et ses errances dans des excès de drogue, d'alcool et de sexe , ainsi que deux mariages malheureux avec des partenaires eux meme perdus, conséquences plus ou moins directe de cette enfance traumatique et traumatisante ne font rien pour rendre la lecture plus légère.
Mais si le livre arrive à toucher autant au coeur et rendre la lecture finalement plus optimiste que glauque et plombante, c'est tout d'abord lorsqu'on apprend que l'auteur a rencontré au fil de son chemin, deux lumières dans ce ciel sombre, ses deux passions, la natation d'abord, puis ensuite l'écriture, deux passions qui la sauvent et qui lui permettront d' atteindre enfin son équilibre et une apparence de bonheur.
Et puis et surtout le livre doit tout à la qualité de la plume de l'auteur, une écriture viscérale et imagée en même temps, singulière et sans fioritures. Bref un roman très réussi sur la résilience, d’une profonde humanité, et qui prouve que l'on peut s'en sortir grâce aux balises que sont l'art et le sport, bref un roman à vous conseiller sans hésiter malgré la dureté de certains passages.
2. Joseph; Marie-Hélène Lafon ( Buchet Castel)
« Au moment des repas les pantoufles de Joseph glissent sur le carrelage luisant et marron ; Joseph ne laisse pas de trace ne fait pas de bruit. Il s’applique aussi à ne pas sentir, il a appris en vieillissant ; dans sa jeunesse, on faisait moins attention à ces choses…… »
Joseph va bientôt partir à la retraite : il finira sa vie dans une maison de Riom où finissent les vieux comme lui. Sa carrière, il la finira dans cette ferme, le patron et la patronne sont bienveillants mais le fils qui a repris l’exploitation à d’autres ambitions, il est dans le futur, lui, et le futur n’a pas les moyens d’entretenir un ouvrier agricole. Joseph est un commis à l’ancienne, dans cette région du Cantal où il a travaillé dur dans beaucoup de fermes, il en a connu des patrons, des bons et des méchants. Et Joseph, mémoire d’un monde paysan qui se meurt pour mieux renaitre, s’est toujours tu.Qui attache de l’importance à la parole d’un ouvrier agricole ?
Marie-Hélène Lafon, vient de ce milieu, professeur, agrégée de lettres classique, elle est née dans une ferme du Cantal. Toute son œuvre est imprégnée de cette région et de ce monde.
Avec « Joseph » elle donne la parole à un ouvrier agricole, caste muette et effacée qui existe mais que l’on ne voit pas. Des mots choisis avec précision et délicatesse, des phases assemblées avec précaution, cette écriture est un pur travail de dentellière. Un monde s’ouvre à nous, des images des odeurs arrivent sans crier gare nous sommes bouleversé par Joseph. Hyperréaliste, la littérature devient photographie, impossible de ne pas penser au travail de Raymond Depardon sur le monde paysan
De la littérature qui touche au cœur, « Joseph » est un roman tendre et déchirant. En cent-quarante pages, Marie-Hélène Lafon nous raconte tout simplement la vie d’un homme. - ( chronique de Michel D).
3. White Trash; John King ( Au diable vauvert)
"Les gens sont toujours pressés, pris dans une sorte d'effervescence. Ils ne réfléchissent pas avant d'agir. Ou de parler. Ils sont incapables de réfléchir tranquillement à la vie et à son sens profond. Les jeunes sont les plus coupables, aucune conscience de leur propre mortalité sans parler de la mortalité des gens autour d'eux. Mais c'est une vérité générale. Les gens ont l'esprit confus, agissent au hasard. L'éducation canalise l'énergie de la jeunesse et a le mérite de mettre en place des schémas de comportement. Ce qui façonne à son tour la civilisation. Si on ne les contrôle pas, les êtres humains ne valent pas mieux que des gorilles".
Avec "White Trash", un roman écrit en 2002 mais seulement traduit en français 12 ans après, l'auteur John King, auteur anglais de culte "Football Factory" , adapté au cinéma par Nick Love en 2004 et premier tome d'une trilogie composée de "La Meute" et "Aux Couleurs de l'Angleterre", continue à sonder la culture prolétaire britannique aujourd'hui, avec ce roman, désignant en argot les blancs défavorisés et pauvres ( on pourrait traduire par "nègres blancs").
Il faut un peu de temps pour entrer dans le roman et se laisser apprivoiser par la langue de King, une langue saccadée, apre, hachée, sans beaucoup de ponctuation, qui laisse peu de répit au lecteur, qui a du mal à trouver son souffle tant il est assailli par les informations et les situations parfois paroxytiques, tout en conservant un style naturaliste qui rend son observation de la société anglaise juste et frappatante comme un uppercut.
White trash est une fresque sociale anglaise qui prend pour toile de fond le démantèlement des services sociaux, et plus globalement un hôpital, dans lequel travaille Ruby, jeune infirmière qui aspire à faire son travail du mieux possible malgré les difficultés inhérentes à la profession ainsi que Jeffreys, médecin et administrateur chargé de rationaliser les coûts et les effectifs dans le même l’hôpital où travaille Ruby.
Les chapitres qui alternent la vision de l'un et de l'autre des personnages varient énormément au niveau du langage ( plus direct, instintif et imagé pour Ruby, plus soutenu et introspectif pour M Jeffreys), et cette opposition de style ne trouvera son point d'achoppement que dans le dénouement, glacial et inattendu, bref qui légitime complètement le coup de poing donné à mon titre du jour.
Un livre, dont le sujet pourrait faire penser à l'excellent long métrage de Thomas Litti, "Hippocrate", sorti quasiment en même temps que ce roman, mais dans une version plus effrenée et sans consession aucune.
Un roman coup de poing qui plaira à coup sur aux amateurs de ce genre de littérature qui va doit à l'estomac!