Un petit locataire- et sa famille- à adopter au plus vite !!
Il y a deux semaines de cela, et après avoir déjà interviewé, comme je vous en ai longuement parlé Vincent Delerm, Catherine Deneuve et Gilbert Rozon, j'ai cloturé mon très beau mois d'octobre en rencontrant, avec quelques autres journalistes cinéma locaux, la formidable comédienne française Karin Viard ainsi que la réalisatrice de son tout dernier film à l'affiche, Nadège Loiseau.
Si je reviendrais très vite et très en détail sur le contenu de cette interview, j'avais envie de commencer la semaine par parler de cette comédie tournée dans notre belle région Rhone Alpes, qui sort mercredi en salles et qui possède à mes yeux ttous les ingrédients pour connaitre une très belle carrière en salles.
Ce premier long métrage réalisé par Nadège Loiseau aurait seulement pu se cantonner à son pitch de départ : une femme de 50 ans apprend qu'elle attend un enfant, ce qui va bouleverser sa vie et celle de sa famille- et cela aurait pu donner lieu à des quiproquos un peu faciles et une comédie formatée et gentiment pataude.
Or, la grande qualité de ce premier long, c'est qu'il évite ce versant prévisible et nous amène dans des contrées plus éloignées que le simple cinéma français franchouillard, tout en utilisant un terrau assez proche, avec, à son centre, une famille qui pourrait faire penser à celle de "La vie est un long fleuve tranquille".
Sauf qu'on est ici plus proche du cinéma anglais humaniste et social, des "Virtuoses "à "the Full Monty," ou bien encore du cinéma américain indépendant à la "Little Miss Sunshine", autrement dit à michemin entre la comédie décalée, voire déjantée et la chronique sociale humaniste.
Comme dans ces films là, Le Petit locataire a le bon goût de ne jamais se moquer de ses personnages, car si on rit- pas mal- du ridicule de leurs situations et de leurs répliques, Nadège Loiseau ne regarde jamais de haut ses personnages,et l'on sait que derrière l'humour, se cache d'autres sentiments qui vont ressortir à un moment ou à un autre et surtout on sait aussi que tout un chacun ne pourra que se retrouver à un moment ou à un autre dans ces personnages, beaucoup moins caricaturaux que chez Chatilliez ou chez Onteniente, pour comparer avec des grands noms de la comédie française populaire.
On prend un plaisir évident à suivre les péripéties de cette smala déjantée où tout un chacun pourra se reconnaître car elle y raconte la situation de bon nombre de gens modestes qui, malgré un milieu social et professionnel pas très reluisant, parviennent à cultiver bonne humeur et solidarité.
On aime notamment la qualité des dialogues à la base de réparties justes et cinglantes que les acteurs s'envoient avec un plaisir communicatif. Autour de cette famille éminement sympathique et gentiment dysfonctionnelle, "Le petit locataire" nous parle de transmission à travers quatre génération de femmes, autour d'un personnage féminin, Nicole, qui tient à bout de bras tous les membres d'une même famille, de sa vieille mère un peu impotente à sa fille immature de 26 ans, la fille de celle ci et son mari lache et irresponsable.
Le sujet de fond du film, c’est bien sûr la famille, cet édifice tellement fragile qui ne tient ici que grâce à sonpilier central: Nicole!, cette femme formidable qui tient tout le monde à bout de bras, comme il en existe dans beaucoup de familles de France et de Navarre...
Le film sonde l’héritage trans-générationnel et observe avec pas mal de subtilités comment des femmes d'une même famille peuvent se construire en miroir les unes par rapport aux autres. Pour Nicole, la découverte de cette maternité tardive est en effet un carambolage supplémentaire dans sa vie, elle qui est déjà la mère de sa petite-fille et la mère de sa mère.
Car, sous couvert d'humour et de legereté, ce "petit locataire" soulève des interrogations profondes et pas toujours bien traitées par le cinéma français : comment c'est d'avoir été mère à 16 ans ? Est-on une meilleure mère en ayant un enfant à l’âge où l’on est censé l’avoir ?... Quel est exactement l'âge idéal pour avoir des enfants? Qu’est-ce que signfie exactement ce grand mot qu'est la "transmission" ? Quand on a une petite-fille de 6 ans et puis on tombe enceinte, que peut représenter ce bébé pour elle ?
En abordant toutes ces questions, sans jamais oublier de nous faire rire, Le Petit Locataire traite de thèmes actuels profonds et rarement traités sous cette forme- on n'est pas chez les Dardenne ou chez Dumont : la grossesse chez les adolescents, le chômage, le fait d'avoir une grande famille quand on n'a peu de moyens, les enfants élevés par leurs grands-parents ...et on s'aperçoit mine de rien qu'avoir des enfants très tardivement n'est pas forcément mieux vu que de les avoir très tôt?
Ce film chaleureux et optimiste qui fait du bien doit aussi beaucoup à son excellent casting, où chaque rôle, même le second ou troisième est parfaitement choisi- comme dans les comédies anglaises dont je parlais plus haut.
Evidemment le film ne serait pas ce qu'il est sans une immense Karin Viard, dans le rôle de Nicole- le rôle a écrit pour elle, comme on le verra dans l'interview à venir- et Viard donne à cette Nicole qu'elle aime visiblement énormément, sa verve intarissable et son énergie débordante, personnage central indispensable à la cohésion de la famille autant qu’à celle du film...
Les autres protagonistes ne sont pas en reste, notamment Philippe Rebbot (qui joue pour la première fois un premier rôle), vraiment épatant dans ce personnage lunaire qui est amené pour la première fois à prendre des responsabilités qu'il a toujours cherché à éviter. Hélène Vincent, mamilette bien différente de Madame Lequenoy de chez Chatilliez ( cqfd) apporte aussi beaucoup de fantaisie et d'émotion à ce personnage de vieille dame pas si côté de la plaque que cela et, dans le rôle d'Arielle, Manon Kneusé, révélation venue de nulle part, offre une composition pleine de nuances et d'inventivité..
Bref, tous ces acteurs et ces personnages composent une famille avec laquelle on a adoré faire un bout de chemin de route et on est heureux que ce petit locataire se soit installé auprès d'eux, en espérant que le public sera nombreux à faire comme lui..