Quai du polar 2017 : Seules les bêtes de Colin Niel : un roman éblouissant de long en large!
Dernière ligne droite pour le Festival Quais du Polar qui commence dès ce vendredi, et on va essayer de mettre les bouchées double avec nos dernières lectures noir, avec, pour commencer la semaine, ce qui est peut être notre vrai coup de coeur pour un roman éblouissant de long en large, il s'agit de "Seules les bêtes" de Colin Niel :
«Parce qu'il faut dire ce qui est : j'ai jamais vraiment su parler aux gens. Aux brebis oui, je sais quand faut leur causer doucement pour les calmer, quand faut gueuler pour pas qu'elles se barrent sur les terrains des autres. Mais aux gens, non. C'est un des trucs que j'ai oublié d'apprendre.»
Avec Obia, long récit de 500 pages situé en Guyane que Michel avait dévoré l’été dernier on avait fait la découverte avec la plume méconnue et d’une très grande qualité d’un certain Colin Niel, dont le roman avait d’ailleurs recu le grand prix du jury Quai du polar 20 minutes.
Un an après, et si le romancier ne peut plus concourir à ce prix, son nouveau roman "Seules les bêtes " nous a tout autant emporté que son précédent roman, dans un registre plus bref- moins de 300 pages- et situé ( pour une bonne parite) dans nos contrées hexagonales.
Après la Guyane, Colin Niel nous embarque en effet dans les Causses, au cœur de la France profonde et rurale.
Une femme a disparu. Les recherchent commencent. Certains accusent la tempête, souvent responsable de bien des morts dans le coin...
Cinq personnes racontent alors leur vérité, en dévoilant peu à peu LA vérité. Alice, Joseph, Maribé, Armand et Michel sont en effet tous reliés par la disparition d’Evelyne Ducat et vont prendre la parole, donner leur version des faits et faire avancer l’intrigue jusqu’à ce qu’elle prenne une tournure inattendue…
Niel y sonde dans ce dernier roman, avec une profonde intelligence et une belle finesse, la détérioriation des rapports humains : comment cette fracture s’est installée entre les individus, des frustrations s’y sont installés, des désirs inaboutis les ont transformé en victimes potentielles.
L'auteur réussit aussi pleinement à ausculter à la fois frontalement et en même temps avec un certain lyrisme, l’absence, le sentiment d'abandon, le délitement du sentiment amoureux, l'usure du couple.
Mais Seules les bêtes parle aussi de fort belle manière de la détresse d’une partie du monde paysan, celui qui est situé à l’écart de la mondialisation, de l’agitation des villes, et ses problématiques inhérentes comme la dépression, le burn out- qui ne se dit pas ainsi- ou le célibat forcé...
Quel beau et puissant sur la solitude et sur des hommes et des femmes en quête désespérée d’amour et quel magnifique roman choral, remarquablement construit, qui progressivement, comme les grands romans du genre, distille des indices importants mais pas suffisants pour construire un puzzle qui ne sera achevé qu'à la toute fin de la lecture.
D'une plume virtuose, Colin NIel parvient à entremêler roman noir très réussi à l’intrigue très fine mais aussi chronique contemporaine à visée hautement sociale.
« Derrière la porte, tu imagines la chambre de tes parents où un matin tu avais trouvé ta mère qu'allait plus jamais se lever. Tu écoutes tous ces bruits qui se faufilent dans le silence comme des insectes à travers un bois pourri. Dehors, tu entends le sifflement du petit-duc perché quelque part dans le noir du causse, des fois il y a des chevreuils qui se mettent à aboyer ou le cerf qui brame quand c'est la saison. Et puis, en dessous de toi dans la cuisine, à côté du coussin déchiré où dort Guillaume, il y a l'armoire. Celle où sont rangés les affaires de ta mère et fichées les cartes postales qu'elle envoyait de ses voyages à Lourdes. Si tu en parlais à quelqu'un, sûr qu'on te prendrait pour un cinglé, pourtant cette armoire c'est pas rare qu'elle fasse des bruits aussi. On dirait qu'elle bouge"
Juste après avoir lu Seules les bêtes, on a qu'une envie : se jeter sur les autres livres de Colin Niel, notamment Les hamacs de carton ou Ceux qui restent en forêt, qui doivent être aussi magistraux que ce dernier roman.
À propos de Colin Niel à quais du Polar
http://www.quaisdupolar.com/auteurs/colin-niel/
Ingénieur en environnement, spécialisé dans la préservation de la biodiversité, Colin Niel a travaillé en Guyane durant plusieurs années. Il a publié Les Hamacs de carton (2012, Prix Ancres noires 2014), Ce qui reste en forêt (2013, Prix des lecteurs de l’Armitière 2014, Prix Sang pour Sang Polar 2014) et Obia (2016, Prix des lecteurs Quais du Polar/20 Minutes).