Coup de Coeur Rentrée littéraire 2017 : Summer: un roman entre rêverie poétique et thriller psychologique
« Peut-être est-ce la seule chose qui reste à faire quand on n’a plus si souvenirs ni émotions, retrouver des vestiges, creuser avec ses doigts dans la terre, reconstituer des squelettes, épousseter les fossiles, mais même là, il est probable qu’on ne parvienne jamais à saisir la vie qui les animait, pas même à l’effleurer… »
Je critique assez la littérature française en pestant contre le fait qu’elle a rarement la puissance évocatrice et le lyrisme de son homologue anglo saxonne, que je ne peux que m’emballer lorsque certains romanciers ou romancières marchent sur les traces des plus grands écrivains nord-américains.
Ainsi dans "Summer", son troisième roman à ce jour et le premier que je lis d’elle, Monica Sabolo, couronnée du prix de flore en 2013 avec son premier roman «Tout cela n'a rien à voir avec moi », nous livre un roman formidable peuplé de fantômes et de mystère, qui m’a énormément fait penser à l’univers d’une Laura Kasischke et notamment d’un de ses romans les plus marquants un oiseau blanc dans le blizzard, que Greg Araki a récemment adapté au cinéma.
Une jeune fille de 19 ans disparait un jour lors d’un pique-nique au bord du lac Léman laissant dans une grande détresse ses parents et surtout son jeune frère Benjamin, le narrateur du livre qui ne se remettra jamais vraiment de cette disparition, et qui va tenter d’en résoudre les mystères 25 ans après.
Comme Laura Kasischke , Sabolo prend le pretexte d'une disparition d'un membre d'une famille en apparence ordinaire, pour mettre en mots la montée en puissance de l’étrange et d'une tension d'abord imperceptible puis insubmersible, avant un dénouement qui nous donnera quelques clés d’un secret qui conservera quelques mystères, sans doute perdus quelque part dans les limbes du Lac Léman.
Un Lac Léman qui joue un rôle particulièrement important tant il sert de toile de fond à une intrigue aussi onirique que métaphysique.
« Et tandis que leurs voix aiguës, aux accents de plus en plus désespérés, appelant ma sœur, j’étais resté là, absent à la scène, et à la vie, tandis que montait en moi la certitude que c'était arrivé, ce moment que j'attendais depuis toujours, l'effondrement de cet édifice de papier que constituaient nos existences »
Hanté par ses rêves, et presque englouti par l’ambiance de ce lac aux eaux saumâtres aussi insondable que scintillant Benjamin est perçu comme une sorte de fantôme à peine plus présent que sa sœur disparue, un être rongé par les névroses et les secrets familiaux.
Monica Sabolo nous plonge dans les arcanes psychologiques particulièrement brumeux d’un homme à la recherche d’un passé qui pourrait enfin le faire renaitre à la vie, et si le dénouement ne révèlera pas de twists renversants comme dans un page turner américain ,cette quête intime est particulièrement bouleversante, magnifiée par la plume poétique et envoutante de Monica Sabolo..
Assurément un très grand roman de cette rentrée !!