"Au-revoir là-haut" d'Albert Dupontel : un passage de l'écrit à l'écran 100% réussi !
Elle sort aujourd'hui en salle : la brillante adaptation par Albert Dupontel de Au-revoir là-haut de Pierre Lemaître, roman lauréat du Prix Goncourt en 2013. Nous avons eu la chance immense d'assister, grâce à Gaumont à l'agence Okarina et au Livre de Poche, à une projection en exclusivité...
Quand on a adoré un livre, on ne peut s'empêcher d'appréhender une adaptation, quelqu'elle soit, avec un certain a priori. Le fait qu'Albert Dupontel soit à l'origine de la toute première adaptation cinématographique du Goncourt 2013 était déjà rassurant. Qu'il soit porté par un si beau casting (Albert Dupontel lui-même, Nahuel Perez Biscayart, Laurent Laffitte, Émilie Dequenne ou encore Niels Arestrup, pour ne citer qu'eux), aussi.
Et en effet, c'est une réussite totale. Le pari était de taille, le livre étant tellement dense et le challenge a été relevé avec les honneurs.
Constat initial assez paradoxal : le film est à la fois extrêmement fidèle à l'ouvrage et très original, très libre.
Comment a-t-il réussi un tel tour de (Le)maître ? En travaillant étroitement avec l'auteur, en s'inspirant de son écriture très visuelle - et non "cinématographique", l'auteur tient à cette distinction -, en potassant des dizaines d'ouvrages sur la "Der des ders" comme ceux de Erich Maria Remarque, de Gabriel Chevallier (La peur) ou encore de Roland Dorgelès (Les Croix de bois), et en se laissant guider par son imagination débordante.
L'histoire, nous la connaissons, comme un million de lecteurs : celle de l'amitié entre deux soldats, Albert Maillard (Albert Dupontel) et Édouard Péricourt (Nahuel Perez Biscayart, l'excellent acteur de 120 battements par minute), liés à la vie par la mort, au lendemain de la Première Guerre Mondiale.
Après avoir sauvé son ami, Édouard Péricourt reçoit en plein visage un éclat d'obus qui va le priver de toute sa mâchoire. Ils apprennent peu à peu à se reconstruire, ensemble, l'un, honteux de son apparence, restant caché dans leur maison-atelier, à dessiner, à peindre, puis à confectionner des masques, avec pour compagnie, l'adorable petite Louise ; l'autre, travaillant par-ci, par-là, pour faire vivre cette drôle de famille reconstituée.
Mais ils ont besoin de plus pour que la vie puisse reprendre ses droits : ils vont décider de prendre leur revanche sur l'État, sur la guerre et sur les artisans de la mort, en mettant en place une gigantesque arnaque de ventes de faux monuments au mort...
19 millions d'euros ont été nécessaires à sa réalisation.
Et pour cause, ce film est bluffant d'esthétisme, chaque scène nous en met plein la vue par les décors et les effets spéciaux employés, sans parler de l'incroyable casting.
Le réalisme des combats menés sur le champ de bataille et de l'attente dans les tranchées avant l'assaut est impressionnant.
Les scènes montrant Paris qui reprend peu à peu goût à la vie au lendemain des horreurs de la guerre ne sont qu'explosion de joie et de bonheur, contrastant violemment avec les premières scènes du film : on retient les images vives des grands magasins comme le Bon Marché, de la fastueuse fête dans le Lutetia où les femmes sont vêtues de robes à paillettes et de bibis à plumes, dansant tout en s'arrosant de champagne.
On retrouve un peu du cinéma de Jean-Pierre Jeunet, et tout particulièrement, de son Un long dimanche de fiançailles...
D'autres éléments participent à la beauté visuelle du film : les masques qu'Édouard réalise. Ils sont magnifiques, drôles, émouvants même : la tête de lion créée à partir de billets de banque, celui du savant fou, celui incarnant la joie ou la tristesse selon l'inclinaison de sa bouche, et celui du paon, dont le symbolisme prémonitoire est à fendre le coeur.
Au-revoir là-haut n'est bien entendu pas que drame. Certains personnages sont à mourir de rire comme Merlin, l'inspecteur-enchanteur zélé campé par l'inégalable Michel Vuillermoz, qui va mener l'enquête sur le trafic louche mené par l'impitoyable Pradelle ; et comme le conseiller du Président, incarné par Philippe Uchan, dont la bêtise atteint des sommets.
La rencontre avec Pierre Lemaître a été très enrichissante. Nous sentions, même s'il commençait à connaître le film par coeur, à quel point il était ému de voir que son livre était porté aux écrans. Pour lui, il n'y avait que Dupontel pour le faire. Il a nous a dévoilé quelques anecdotes sur le tournage de la dernière scène dont le décor est planté au Maroc (vous ne devinerez jamais où elle a été tournée en vrai...), nous a expliqué certains éléments sur les accessoires, les décors...
Il expliquait que, dans le film, il y avait plus de scènes imaginées par Dupontel que de scènes du livre. Pour lui, c'est une adaptation "parfaitement réussie, presque un modèle en la matière, [c'est] la même histoire, sans trahison, mais racontée autrement."
Concernant les masques, qui ont fasciné beucoup de personnes dans la salle, il nous confiait l'envie d'Albert Dupontel de créer des masques faisant écho à l'époque et à la vie culturelle : ainsi, nous comprenons pourquoi Édouard s'était affublé d'un masque en forme d'urinoir.
C'était là un petit clin d'oeil savoureux à Marcel Duchamp.
On vous laisse sur ce petit avant-goût...