Danse contemporaine: CROWD de Gisèle Vienne
Sur un sol de terre battue, jonché de canettes et de détritus, une frêle silhouette à capuche avance, lentement, comme sur la lune. Musique à l'appui, nous entrons avec elle sur le terre-plein d'un technival.
Avec bientôt 15 interprètes sur scène, sur une bande son irréprochable, la chorégraphe Gisèle Vienne convoque un morceau instantané de festival électro. Jouant du décalage que permet la scène, elle s'amuse des rythmes sur les corps et ralentit, saccade, ou suspend la danse et les geste de ses personnages.
A la fois enveloppés par l'univers sonore, et mise à distance par ce découpage visuel, on regarde une expérience qui normalement se vit de l'intérieur à 100 à l'heure. Dans ce spectacle en apesanteur, seules les choses nous rappellent aux lois de la gravité, et de la réalité : la chute d'un verre, un mégot jeté, un vêtement lancé...
Pas de prouesses chorégraphiques ici, le dancefloor sera plutôt un révélateur social : à travers les danses, les personnages s'isolent, se regroupent, des interactions se créent, sensuelles, violentes, fortes ou superficielles, puis se délitent, dans une série de tableaux de foule, de couples, d'individus.
Yeux et oreilles sont donc comblés. Mais alors que les scènes se répètent comme dans une fête qui ne voudrait pas finir, c'est le fil narratif qui s'épuise. Le phénomènes des raves et des technivals fascinent depuis quelques années les artistes et notamment les chorégraphes.
Ces événements hors du temps et de l'espace sont les sas de toutes les transgressions et de tous les extrêmes. Ils convoquent quelque chose du rituel qui révèle un besoin contemporain, païen, de communion, de collectif et d'évasion physique et mentale.
Or on peine ici à saisir ce que Gisèle Vienne cherche à nous dire de ce phénomène en le portant à la scène.
Attaché à un rendu certes très esthétique, le spectacle n'entre pas dans l'intensité de l'expérience qu'il présente. On restera donc spectateur confortable, sans saisir l'étrange mélange d'extase et de mélancolie de la fête, ni sa violence (auto)destructrice, ni la profonde solitude malgré la force du groupe et le brouhaha de la fête.
Générique:
Conception, chorégraphie et scénographie Gisèle Vienne, assistée de Anja Röttgerkamp & Nuria Guiu Sagarra / Lumière Patrick Rio / Dramaturgie Gisèle Vienne & Dennis Cooper Musique Underground Resistance, KTL, Vapour Space, DJ Rolando, Drexciya, The Martian, Choice, Jeff Mills, Peter Rehberg, Manuel Göttsching, Sun Electric & Global Communication
En tournée:
27, 28 février 2018 MC2, Grenoble
31 mai 2018 Wiener Festwochen, Vienne
29 mai 2018 La Filature Scène nationale, Mulhouse
27, 28 juin 2018 Holland Festival, Amsterdam
13, 14, 15 juin 2018 Volksbühne Berlin
01, 02 juin 2018 Wiener Festwochen, Vienne