Polar en poche : Chance de Kem Nunn : haletant et mélancolique!
« Elle était robuste. Il était ivre. Elle voulait absolument prendre sa queue dans sa main. Absolument convaincu que cela le mènerait à sa perte, Chance se débattit pour l’en empêcher. Il lutta, tel Jacob avec les anges, mais pour des raisons opposées. Quand ce dernier espérait obtenir une bénédiction, Chance voulait surtout l’éviter. »
Ambiance malsaine dans les brumes du port de San Francisco, le docteur Chance, plutôt mal nommé en ce moment, se demande justement si ce n’est pas l’année de tous les emmerdements.
Brillant neuropsychiatre en instance de divorce, sa femme le quitte pour un coach sportif dyslexique, Eldon Chance se sent gagné par l’ennui et la neurasthénie.
Alors non, c’est sûr, il n’aurait vraiment pas dû s’occuper de cette patiente au mari violent et influent. Chance dans sa malchance va tout de même pouvoir compter sur D, un malabar qui l’a à la bonne.
D a intégré une philosophie primitive mais efficace : dans la vie un homme est soit émetteur, soit récepteur, au milieu du chaos urbain et mental dans lequel il se débat, le professeur Eldon Chance va trouver en D, l’émetteur de coup de massue, un sacré compagnon de route.
Thriller, polar psychiatrique, une femme double et manipulatrice et les brumes de San Francisco nous font évidemment penser à Vertigo mais Tarantino aurait remplacé Hitchcock. Haletant, violent et pourtant tendre et mélancolique, Kem Nunn en conteur né, il cite Nietzche, Steinbeck, Shakespeare ou William Blake, entraine le lecteur dans une intrigue sexuellement tarabiscotée. Le romancier démiurge n’est pas tendre avec son héros, mais comme le disait Friedrich justement : « Il n’y a pas de victimes, il n’y a que des volontaires. »
Kem Nunn, Chance (Chance, 2014), éditions 10/18- Depuis le 4 janvier 2018 Traduit par Clément Baude.