Dieu que cette prière de Cédric Kahn est belle!
Sur les écrans depuis mercredi dernier "La Prière, " le nouveau film de Cédric Kahn, cinéaste adulé à juste titre de Roberto Succo ou de " Vie sauvage", brosse le portrait de jeunes qui rejoignent une communauté isolée en montagne, où ils se soignent à la discipline, l'amitié et la prière, pour en finir avec leurs addictions; un mode de vie qu'ils adoptent souvent pendant des années avant d'espérer revenir à la vie à l'extérieur.
Avec des films comme "Des hommes et des dieux" (2010) de Xavier Beauvois ou "Les innocentes" (2015) d'Anne Fontaine, le cinéma français s'est réemparé, ces dernières années, de la question religieuse et, en ce début d'année 2018, avec "L'apparition " de Giannoli et cette "prière", deux autres films français sortis coup sur coup tentent le difficile exercice de filmer la foi.
A travers ce film particulièrement puissant, Cédric Kahn s'interroge sur l'expérience de la foi, sans pour autant parler de religion. Rien n'est véritablement imposé au spectateur car Kahn, qui s'assume comme agnostique, filme cet élan vers le spirituel sans cynisme aucun , mais avec la distance nécessaire pour que chacun puisse se forger sa propre idée, au regard de ses convictions personnelles.
La Prière, contrairement à ce que son titre peut laisser croire (?), est en réalité bien plus terrestre qu’éthéré : en restant toujours dans le réalisme et le rationnel, Kahn filme à hauteur d'hommes cette histoire de renaissance et de résilience mystique et filme même une superbe scène de miracle tout en restant dans un réalisme bressonnien qui lui sied si bien.
Comme dans le récent et beau "la fête est finie", la prière nous montre à quel point le parcours pour trouver la lumière au bout du tunnel, afin de renaitre à soi et se réconcilier avec les autres, peut être semé d'embuches et à quel point résister à l'addiction impose en violences et souffrances intérieures.
Sans jamais verser dans le prosélytisme, Cédric Kahn met en avant l’importance des communautés et de la fraternité :la foi de la communauté du film de Kahn, ce n'est pas tant la ferveur religieuse que surtout de croire en l'homme et en quelque chose qui nous dépasse.
En n’utilisant aucun dérivatif leur permettant d'affronter le manque de drogue autre que la prière, le travail et l’entraide, les membres de la communauté doivent aller au bout de leurs capacités physiques et mentales pour s’en sortir et pour regagner en estime d’eux-mêmes.
Cédric Kahn montre ainsi magnifiquement combien la spiritualité est avant tout fondée sur la compréhension de l’autre, l’amour et la pardon.
Pour raconter combien ce chemin sur le chemin de la rédemption est difficile, le film s'appuie sur des acteurs très peu connus, comme pour ses tous premiers films, et notamment sur son formidable acteur principal, Anthony Bajon, Ours d'argent du meilleur acteur à la Berlinale 2018.
Visage poupon, regard buté, Anthony Bajon investit le film de sa présence incroyable, de sa présence physique extrême, bloc de désespérance et de rage plus au moins contenues, qu'il fait notamment exploser à son paroxysme dans une scène formidable face à l'actrice allemande Hanna Schygulla en soeur fondatrice de la communuauté.
Ne ratez pas ce très beau voyage au bout de la renaissance et de son estime personnel, à voir toute affaire cessantes actuellement au cinéma.