Critique d'album- le désordre des choses : le retour en grâce d' Alain Chamfort
La carrière, de plus de 50 ans, de cette figure incontournable de notre paysage musical raconte les grandes bases de la musique en France : en effet, Alain Chamfort aura vraiment traversé toutes les étapes de l'industrie du disque: de l'artisanat à l'industrie, des grands patrons à gros cigares à l'auto-édition et la distribution sur Vente Privée il y a quelques années ( tiens au fait, ca existe toujours vente privée?)…
Tout en élégance et discrétion le dandy Alain Chamfort délivre de temps en temps de nouvelles pépites musicales comme l'est assurément son dernier album Le désordre des choses paru le 20 avril dernier, un 15e disque dont la réception critique est assez dithyrambique; d'aucuns affirmant que c’est son meilleur album depuis longtemps.
Avec Le désordre des choses, Chamfort montre qu'il sait se réinventer encore et encore, après ses années Claude François, ses années Gainsbourg et les années Traces de toi et la fièvre dans le sang au début de 90.
Réalisé par lui-même, Johan Dalgaard et Frédéric Lo, Alain Chamfort fait appel pour les textes à Pierre-Dominique Burgaud avec lequel il avait collaboré pour le déjà formidable album Une vie Saint Laurent et l'ensemble de ces collaborations sont une indéniable réussite tant cet opus signe un formidable retour en grâce de cet artiste qui aura connu tant de hauts et de bas .
(crédit Photo : Julien Mignot)
Le désordre des choses est encore une belle preuve de toute la "Chamfort's touch": cette sorte de variété chic à l’esprit pop/rock, avec en plus une touche electro-pop qui prouve qu'on a beau avoir 50 ans de carrière, on n'en reste pas moins à l'écoute des sonorités d'aujourd'hui.
50 ans de carrière et des textes profonds sur le temps qui passe parfois avec cruauté, mais cependant on ne décele ni nostalgie ni 'amertume dans ce nouveau disque.
Chamfort dresse simplement un constat d’aujourd’hui, sorte de bilan ou de check-up, sans juger en bien ou en mal le monde d'aujourd'hui par rapport à celui du passé.
Chamfort assume ses rides et évoque avec finesse et pudeur le temps qui passe, il le fait d'ailleurs très joliment dans ce premier titre qui ouvre l'album, cette sobre ballade au piano Les microsillons, « tu verras avec l’âge tout est sur le visage »
Les chanteras-tu toutes les chansons
Lorsque la vie m’aura coupé le son
Les chanteras tu toutes les chansons ?
Alain Chamfort, à l'instar du dernier album de Françoise Hardy, prouve qu'on peut parler du temps qui passe, et des éventuelles souffrances inhérentes avec pudeur et légèreté, et que cette même légereté n'empêche pas pour autant la profondeur .
Dans ce nouvel opus à la fois ample et introspectif, Alain C accepte même d’être vaincu face à la vie mais continue malgré tout le combat (comme il le dit dans le beau titre Les salamandres) et son fatalisme voire sa désivolture ressemble pas mal à une forme de sagesse.
Entre classicisme pop et pulsation électronique, "le Désordre des choses " aborde un vrai style et une poignante délicatesse les anxiétés liées à l'âge et même à l'actualité ( "Palmyre" ou comment parler du terrorisme de manière très poétique) sans jamais rien appuyer, sans jamais poser un regard trop démonstratif, comme pourrait le faire certains de ses collègues , avec toujours ce désir ancré en lui de jamais être là où on l’attend et de ne jamais se reposer sur ce qui est derrière soi.
Ce nouveau bijou de la pop française et aussi une étonnante captation de l'ère du temps. et on vous le montre avec un autre extrait de ce bel album ce pertinent et lucide "Exister, dans lequel Alain affirme qu'« exister n’est pas un du… on arrive comme un intrus, la veille il n’y avait personne. »