Polars du nord : zoom sur Indridason et Jonasson, deux grands maitres du polar islandais
On aime tant l’atmosphère islandaise et son histoire moderne qui traversent chacun des polars islandaise qu'aujourd'hui en ce jeudi d'ascension, on vous donne deux pour le prix d'un .
Après l'incontournable Indriðason, quoi de plus logique de parler d'un nouvel auteur Islandais proposé en langue française : Ragnar Jónasson, belle étoile montante de la littérature nordique?.
Et comme on a lu les deux ouvrages de ces deux auteurs islandais, le " vieux" et le petit jeune on vous dit à quel point les deux nous ont enthousiasmé !
1 Passage des ombres : quand Arnaldur Indridason clôt magnifiquement sa « Trilogie des Ombres »
« Ces histoires décrivent souvent des difficultés liées à la condition féminine. Par exemple, lorsque les femmes ont un enfant hors mariage et qu’elles sont contraintes de s’en débarrasser. Autrefois, abandonner un nourrisson en pleine nature faisait office d’avortement. C’était évidemment une expérience traumatisante que les histoires d’elfes permettaient d’embellir tout en atténuant la souffrance. Dans ces contes, des femmes humaines ont des enfants avec des elfes d’une grande douceur et d’une grande beauté, l’exact opposé des rustauds qu’elles connaissent, et c’est aux elfes que ces femmes abandonnent leurs enfants. »
Une enquête en deux temps, en deux époques. Reykjavik 1944, Flovent et Thorson le duo de flics dont on a fait connaissance dans le tome 1 et 2 de la trilogie des Ombres enquêtent sur le meurtre d’une jeune femme, étranglée dans une impasse obscure. Une enquête rondement menée et un coupable idéal laisse tout de même un gout amer aux deux policiers.
Reykjavik 2013, un vieillard est retrouvé mort dans son modeste appartement, une mort pas si naturelle pour la médecin légiste. Konrad flic à la retraite veut bien donner un coup de main à ses anciens collègues, surtout que l’on découvre dans la table de nuit du vieil homme des coupures de journaux jaunies relatant le meurtre d’une jeune femme dans le passage des Ombres.
Les affaires classées, Konrad adore ça, un « cold case » en Island serait-ce un pléonasme ?
Youpi ! Notre Arnaldur Indridason, que l’on avait trouvé en roue libre et en petite forme ces derniers temps et notamment avec les deux premiers volets, (mais même en petite forme Arnaldur est agréable à lire) clôt magnifiquement sa « Trilogie des Ombres ». La douce et tendre petite musique qui enveloppait les enquêtes d’Erlendur Sveinsson est revenue.
La grande histoire et l’histoire intime de l’Islande se mêle adroitement.
La petite ile du Nord, lieu stratégique en cette fin de conflit mondial, en toile de fond, Arnaldur Indridason nous raconte la tragique condition féminine de cette époque et en creux l’impossible existence d’un sentiment amoureux naissant entre les deux policiers. « Passage des Ombres » un polar féministe, mélancolique et gay.
2. Natt de Ragnar Jonasson; du talent, de l’esprit et du style...
"Isrun sortir du bureau sans répodnre à son commentaire grossier.Il ne le méritait pas. La véritable raison de son départ d'Akureyi aurait certainement choqué Ivar.Peut-être en serait il même resté bouche bée, pour une fois. Mais elle était satisfaite d'être parvenue à ses fins. Bientôt, elle serait en route vers le Nord. Elle avait poussé le bouchon un peu loin en inventant cette histoire de trafic de drogue, mais c'était un tout petit mensonge et il fallait absolument qu'elle travaille sur cette enquête."
Bonne nouvelle : l’inspecteur Ari Thor est de retour pour un troisième volet (après Snjor et Monk qu'on a énormément aimé mais pour la petite histoire, sachez que Natt a été écrit avant Mörk. et on peut les lires 3 de manière indépendante des deux autres ).
Cette fois, un cadavre est retrouvé au bord d’un fjord et l’action ne se déroule pas en hiver mais en été : au nord de l’Islande, en été, alors que le soleil ne se couche jamais, un homme battu à mort est retrouvé sur les bords d’un fjord tranquille. En arrivant sur place, l’inspecteur Ari Thor découvre une jeune journaliste bien décidée à enquêter elle aussi sur ce meurtre. L’écriture est fluide, les chapitres courts, ce roman noir oppressant et complexe se lit très facilement.
Quel bonheur de repartir en Islande, plaisir de lecture avec cette façon de construire l’intrigue comme un puzzle dont chaque chapitre serait une pièce, plaisir de retrouver un personnage en proie à ses questionnements personnels…
"Après leur long périple, elle s’était réjouie d’atterrir enfin en Islande. Le paysage qu’elle découvrait ne ressemblait à rien de ce qu’elle connaissait, ni même le ciel, d’une clarté irréelle malgré l’heure nocturne. Elle pressentait qu’elle vivrait de belles choses dans cet étrange pays.«
Ce qui fait la différence c’est la patte de l’auteur. Ragnar Jonasson crée un héros attachant, décrit un microcosme provincial digne des meilleurs Chabrol et nous offre un voyage au fin fond de l’Islande.
On aime tant l’atmosphère islandaise et son histoire moderne traversent chacun de ses polars. Dans la tension que la modernité suscite entre les générations, Jonasson convoque rien de moins qu' Agatha Christie, Simenon et Jim Thompson, Jonasson a du talent, de l’esprit et du style... franchement, que demander de plus?
Bref on signe sans problème pour un quatrième volet ( l'an prochain?) sans aucun problème !
« Natt », de Ragnar Jonasson (éd. de la Martinière), 336 p., 21 €