Cannes 2018 : Everybody knows, Asghar Farhadi
Il y a maintenant tout juste une semaine, les hostilités cannoise se sont ouvertes avec la projection en Compétition d’Everybody Knows (Todos Lo Saben), le nouveau film d’Asghar Farhadi très attendu : en effet, devant la caméra du cinéaste iranien, un des cinéastes contemporains les plus passionnants, dont on a adoré tous les films, l’un des couples les plus emblématiques du cinéma actuel : Penelope Cruz et Javier Bardem (dont on parlé pour leur récent Escobar tourné juste avant le Farhadi)
Asghar Farhadi, avec Everybody knows, revient pour la troisième fois en compétition (les deux précédents ont reçu un prix d'interprétation et un prix du scénario),cumulant cette fois le prestige de la course à la Palme et, grâce à son casting royal (Javier Bardem, Penelope Cruz, Ricardo Darin), l'exposition hors-pair du film d'ouverture (hors-compétition, Les fantômes d’Ismaël n'avait pas eu l'an dernier un tel privilège).
Bref contrairement aux années précédentes, le film d'ouverture semblait être idéal tant il semblait constituer une belle synthèse entre cinéma d'auteur et glamour et un début très prometteur pour une compétition qui s'annonce bien sur le papier après quelques éditions un peu en dessous..
Malheureusement, dire que le film de Farhadi a reçu un accueil très froid lors de sa projection cannoise est un doux euphémisme tant la réception critique fut des plus froides, certains n'hésita pasnt, dans une propension à l'excès que le soleil de la croisette attise toujours à comparer son dernier film à des télénovélas les plus indignes ou pire(?) aux sagas de l'été sur TF1 d'il y a quelques années où Francis Huster et Christiana Réali se battaient pour conserver leurs domaines sous fond de secrets familiaux les plus grotesques.
Si on peut parfois tiquer un peu devant certaines révélations familiales qui éclaboussent la seconde partie du film et qui semblent un peu moins fortes que les révélations de ses autres films, cette comparaison est bien évidemment aussi disproportionnée que totalement hors de propos.
On peut peut-être si on est habitué aux films de Frhadi trouver qu'il semble un peu tourner en rond autour d'une mécanique bien huilée mais ceux qui ne conaissent pas son cinéaste resteront totalement sous le charme de ce prenant et habile Everybody knows.
Car comme dans le Client, Asghar Farhadi s’essaie au mélange des genres, insufflant du suspense dans un drame familial psychologique et y parvient, avec une maitrise et une tension qui forcent l'admiration
Metteur en scène du questionnement moral, chroniqueur des vertiges intimes, Asghar Farhadi est parfaitement à son aise à l'intérieur de cette famille ibère étouffée par la frustration et l'appât du gain.
Car ce qui intéresse vraiment Farhadi, ce sont ces secrets, ces non dits et ces rancunes qui irriguent cette famille qui se déchirera sous leur poids, comment un évenement peut mettre le feu aux poudres, et une fois de plus, le réalisateur d'une séparation orchestre le tout de main de maitre.
Par ailleurs, on saluera l'immense talent du cinéaste iranien de parvenir à nous plonger totalement en terre ibérique comme si il avait vécu toute sa vie en Espagne : par des couleurs chaudes, des déplacements incessants brusques de caméra, Farhadi nous immerge totalement dans la vie de ce village espagnol, avec notamment une scène de mariage particulièrement réussie.
Ajoutez une pincée épique d’acteurs très impliqués ( notamment les hommes, de Javier Bardem à Ricardo Darin, étonnant en bigot argentin) et vous aurez une oeuvre passionnante qui prouve combien, film après film, Asghar Farhadi parvient construit une filmographie qui marquera profondément son époque, une oeuvre d’une grande richesse quant au fond et magnifique quant à la forme.