Baz'art  : Des films, des livres...
25 novembre 2016

Le client : Farhadi aurait-il mérité la Palme?

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Finalement, et contrairement aux critiques de la plupart des cinéphiles et observateurs du monde du cinéma que j'ai pu lire ici et là, le palmarès du dernier Festival de Cannes 2016, si décrié encore cette année, ne me parait pas, au fur et à mesure que je vois les films récompensés ( et ceux qui ne le sont pas), être aussi scandaleux qu'annoncé.

Prenons pour exemple "le Client" qui a reçu le Prix du scénario à Asghar Farhadi et celui du meilleur acteur à Shahab Hossein. Voilà un film que d'aucuns ont considéré comme le plus faible de son auteur, et  à qui on a reproché- un peu comme à Loach ou Almodovar, deux immenses cinéastes qui l'ont encore prouvé cette année- de recycler jusqu'à l'épuisement son système.

A mes yeux, le Client, sorti sur nos écrans le 9 novembre dernier est une immense long métrage qui prouve  au contraire combien, film après film, Asghar Farhadi  parvient construit une filmographie qui marquera profondément  son époque,  une oeuvre d’une grande richesse quant au fond et magnifique quant à la forme, et , comme je le dis souvent, il est difficile d'allier ces deux composantes dans un même geste cinématographique.

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Comme à son habitude, Farhadi nous emporte et nous empoigne dans une histoire passionnante qui traite de la complexité des relations humaines, et nous montre comment sur un simple basculement des êtres plutôt ordinaires- quoique faisant partie d'une certaine élite culturelle- peuvent  être confrontés à des dilemmes moraux particulièrement profonds.

Farhadi s’essaie au mélange des genres, insufflant du suspense dans un drame intime et psychologique et y parvient, avec une maitrise qui force l'admiration avec un final particulièrement captivant et oprressant qui n'a rien à envier aux meilleurs thrillers américains.

Filmé comme Farhadi sait brillamment le faire dans des intérieurs étouffants dont la caméra ne s’évadera quasiment jamais, le Client - rien à voir avec le thriller très médiocre de Joel Schumacher avec Suzan Sarandon vu au début des années 90-  est traversé de façon très subtile par tout un tas de dénonciations morales, culturelles qui  traite en filigrane le lourd poids du jugement et des diverses perceptions possibles.

Comme dans ses films précédents, Fahradi  n'aime rien de mieux à travers ses films que de rechercher une vérité  qui endosse forcément divers visages, et c'est cette richesse des possibilités qui rend les fictions de Farhadi toujours aussi passionnantes à suivre..

Avec Le client, Farhadi  réussit aussi comme les autres films iraniens du cinéaste une métaphore  masquée- pour ne pas dire voilée- de la société iranienne au bord de l’implosion. Comme dans ses précédents films dont évidemment le magnifique "une séparation", le réalisateur sonde les non dits de la société iranienne, qui s'apparentent parfois à des mensonges déguisés, mais le montre de façon pernicieuse pour que son film ne soit pas soumis aux fourches caudines de la censure (le film a d'ailleurs été . montré en Iran et a connu un immense succès public mais aussi de très fortes polémiques des partis les plus conservateurs en place).

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 Ainsi,  on y voit en arrière plan comment des passages de la pièce d'Arthur Miller, "Mort d'un commis voyageur",  que jouentsur scène les deux personnages principaux du film,  doivent être adaptés à la censure iranienne, et tous ces séquences théâtrales qui pourraient sembler fastidieuses filmées ailleurs et par un autre cinéaste apporte une dimension formidable au film.

L’Iran apparait ainsi un peu comme le décor de cette pièce de théâtre que l’on joue malgré tout, malgré la censure qui donne à conception un coté assez surréaliste, où l’on joue la nudité tout habillé et où les acteurs hésitent entre s'en moquer ou en pleurer.

La démarche pourrait  se rapprocher de celle d'un Jafar Panahi- on voit d'ailleurs au début du Client une  courte scène qui se déroule dans un taxi, clin d’œil sans doute amical au Taxi Téhéran qui avait tant excité Michel l'an passé, sauf que la position de Panahi, qui contrairement à Fahradi est interdit de filmer dans son pays, est moins ambigue, mais, sans doute 'à cause de moyens plus modestes, son scénario et sa mise en scène me paraissent moins captivantes que chez Farhadi.

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Car pour une fois, contrairement aux films récompensés les années précédentes pour leur scénario- "Leviathan" ou encore bien pire le nauséabond "Chronic" de Michel Franco- le scénario du Client est pour le moins formidable, en montrant sous couvert de thriller psychologique, comment un incident qui aurait pu être tragique va entrainer chez un couple qui semblait solide de grosses divergences et des dilemnes moraux irréconciliables.

Le Client nous questionne ainsi très intelligement sur la façon dont on parvient- ou pas-  à dissimuler sa honte face à une société puritaine et comment on parvient- ou pas-  à donner son pardon, lorsqu'on est confronté à ses angoisses les plus profondes,  et que nos convictions les plus tangibles se fissurent.

De ce point de vue, l'attitude de l'homme  face à l'agression subie par sa femme pose la question de la place de l'honneur et du pardon dans l'Iran contemporain, dans une société ou encore plus qu'ailleurs la réputation et le regard de l'autre et de la société sur les faits et gestes individuels compte plus que tout.

Et comme  pour le scénario, le prix du meilleur acteur semble parfaitement logique tant dans ce rôle, Shahab Hosseini, tout en nuance,  fait peser avec une immense habileté  sur son personnage une forme de soupçon  et d'ambiguité morale  qu'on découvre au fur et à mesure du film.

Un grand film sur l’humain,  mais qui reste totalement  et profondément universel, voilà ce qu'a réussi Asghar Farhadi avec ce magnifique Client qui fera incontestablement partie des grands films de cette année 2016.

 

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