590 photos sélectionnées et commentées par leur auteur, voilà le plus court résumé de Willy Ronis par lui même. Un peu court au regard de la richesse de ce titre.
Ce magnifique livre en contient en effet de nombreux : livre d'histoire où l'on voit les quartiers de Paris de 1930 à nos jours, biographie à travers les légendes de Willy Ronis dans lesquelles il livre des détails sur l'évolution de sa vie personnelle, manuel à destination des professionnels par la présence d'un glossaire expliquant le vocabulaire employé par le photographe.
Plus j'ai avancé dans la découverte de Willy Ronis par Willy Roonis plus j'ai pensé au roman de la rose d'Umberto Eco, une fiction qui peut se lire et se savourer à différents niveaux.
De manière identique, face à ce recueil monumental, vous pouvez vous arrêtez uniquement sur les photos, en apprécier l'esthétisme, observer les thèmes qui sont chers à l'artiste. Vous pouvez aller plus loin en lisant chaque texte accompagnant les clichés et dont chaque note est intéressante.
Vous pouvez aussi en avoir une lecture approfondie sous l'angle technique.
Willy Ronis par Willy Roonis montre combien sont indissociables la vie de l'homme et l'oeuvre de l'artiste. Homme engagé, membre du parti communiste, Willy Ronis saisit les grands combats de son époque qu'il s'agisse du retour des prisonniers de guerre en 1945, des mouvements de grève ou des manifestations. Il pose un regard sans misérabilisme sur les plus pauvres et témoigne de la même bienveillance avec tous ceux qu'ils fixent sur la pellicule.
«Chacun de nous porte en soi une vision intérieure. Une photo réussie est, en partie, le portrait de son auteur.»
Ses premiers sujets ont été en 1948, sa femme Marie Anne et son fils Vincent qu'ils photographient dans des instants de la vie quotidienne avec douceur et candeur.
Comme on sent qu'un réalisateur aime ses acteurs, on sent que Willy Ronis aime ces amoureux parisiens qu'il a si souvent immortalisé (belle histoire que ce couple photographié en haut de la Bastille et revu 30 ans plus tard !) on sent qu'il aime les hommes et les femmes travaillant dans les usines, les modèles qui posent nus ou les gens célèbres qu'il rencontre (Jacques Prévert, Aragon, Boris Vian, Sartre, Picasso, Isabelle Hubert...).
Je n'ai pas beaucoup de connaissances sur la photographie, la taille de ce livre aurait pu m'impressionner mais je l'ai trouvé absolument passionnant. D'abord parce que Willy Ronis s'adresse à son lecteur et lui confie ce qu'il aime photographier (les contre-jours par exemple), la technique et le matériel utilisés, sa propre appréciation sur la photo, ses questions déontologiques, ce qu'il appelle ses "rituels photographiques" (retourner se balader à Belleville; observer les gens affairés devant les grands magasins pendant la semaine de Noël).
Parfois il délivre même ce qui ressemble à des conseils précisant l'ouverture, expliquant la composition d'une photo ou comment se placer pour que les personnages d'un groupe se détachent nettement les uns des autres.
Ensuite Willy Ronis par lui même témoigne de la curiosité, de l'ouverture de cet homme.
Cela se traduit par ses nombreux voyages dès 1930 (Les Pays Bas, Londres, New York, l'Italie, l'Algérie, Marseille, la Grèce, Pragues, Arles, Berlin...) et par la variété des thèmes qu'il aborde (l'enfance, les scènes de la vie citadine, Paris, les intérieurs de café, les visiteurs dans les musées, les autoportraits ....).
Il a les yeux grands ouverts sur le monde et capte l'instant le temps d'une photo prise sur le vif ou au contraire en attendant un élément déterminant (un piéton supplémentaire, une voiture qui passe en arrière plan) pour que le tableau fasse sens.
Ne ratez pas le texte introductif aux différents albums présentés. Vous y apprendrez dans quelles conditions Willy Ronis a légué ses photos à l'Etat, comment il a été considéré de son vivant, quel système de classement il a imaginé pour ses innombrables clichés.
Enfin si vous vous interrogez sur l'importance des textes chez cet artiste, vous trouverez la réponse en partie ici :
"Durant toute sa carrière, Willy Ronis s'est assuré que le titre de ses images publiées ne trahissait pas le sens qu'il souhaitait leur donner, reprenant à son compte la formule d'Edward Steichen "Une photographie peut remplacer dix mille mots à condition d'être accompagnée de dix mots".
Bref il y a mille et une raisons de se plonger dans Willy Ronis par Willy Roonis et mille et une raisons d'offrir ce superbe ouvrage !
Exposition au Pavillon Carré de Baudoin, 121 rue de Ménilmontant, Paris 20e. En partenariat avec l'Agence Photographique de la Rmn-Grand Palais.prolongée jusqu'au 2 janvier 2019
Willy Ronis par Willy Roonis